Dossier Finance : Les groupes sud-africains à l’assaut du continent

Après les marocains et les nigérians, les groupes sud-africains partent à la conquête des marchés subsahariens à fort potentiel. Une voie déjà défrichée par le premier d’entre eux, Standard Bank.

La Standard Bank, numéro un de la nation Arc-en-Ciel, d’est lancée à l’assaut de l’Afrique de l’Ouest en 1999 © Nabil Zorkot pour J.A

La Standard Bank, numéro un de la nation Arc-en-Ciel, d’est lancée à l’assaut de l’Afrique de l’Ouest en 1999 © Nabil Zorkot pour J.A

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 30 mai 2013 Lecture : 6 minutes.

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Finance : au Nord, tous !

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En matière d’activité bancaire, les régions occidentale et centrale du continent sont bel et bien des terreaux fertiles : Proparco, la filiale de l’Agence française de développement (AFD) chargée du secteur privé, l’affirme dans une étude qu’elle s’apprête à publier. D’après cette enquête, à paraître dans la revue de l’institution, ces deux régions offrent les rentabilités les plus élevées de toute l’Afrique, avec des taux respectifs de 28,3 % et 23,8 %, soit près du double des chiffres enregistrés en Afrique du Nord (12,7 %) et en Afrique du Sud (12,5 %). « Même si l’environnement réglementaire reste perfectible dans la plupart de ces États, la faible intensité de la concurrence, notamment dans les pays francophones, et les bas taux de bancarisation sont autant d’éléments qui rendent attractives les perspectives de rentabilité », explique Laureen Kouassi Olsson, directrice d’investissement chez Amethis Finance.

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Classe moyenne

Mais ce n’est pas tout. D’après le cabinet de conseil Bain & Company, la montée en puissance de la classe moyenne (au Nigeria, par exemple, elle comptera 20 millions de ménages supplémentaires en 2030) et le développement du commerce régional (qui devrait progresser de 25 % par an d’ici à 2014, contre 15 % par an jusqu’à présent) offrent de nouvelles opportunités aux établissements bancaires.

De quoi attiser l’intérêt des groupes africains basés sur les marchés plus matures que sont le Maroc et, plus récemment, l’Afrique du Sud. « Après avoir tenté, en vain, de se développer sur les marchés émergents situés hors du continent [Standard Bank a mis un terme à ses ambitions au Brésil, en Argentine, en Russie et en Turquie, NDLR], les banques sud-africaines ont finalement compris que le continent est devenu un véritable relais de croissance », explique Cyrille Nkontchou, associé gérant d’Enko Capital.

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Cela n’a donc guère été une surprise lorsque, en mars dernier, le quatrième acteur de la nation Arc-en-Ciel, Nedbank, a annoncé son intention de convertir en actions le prêt de 213 millions d’euros qu’il avait accordé en novembre 2011 à Ecobank Transnational Incorporated (ETI), basé au Togo. Cette opération lui permettra de détenir 20 % du groupe panafricain présent dans trente-deux pays du continent, accroissant ainsi son influence au sud du Sahara. Installé dans seulement cinq pays d’Afrique australe (hors Afrique du Sud), Nedbank est déterminé à avancer ses pions dans la région. L’établissement – qui a vu son profit augmenter de 21,4 % en 2012 pour atteindre 7,5 milliards de rands (670 millions d’euros) – entend porter, dans les trois à quatre prochaines années, le nombre de ses implantations à une dizaine.

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Il sera alors encore bien loin du leader sud-africain, Standard Bank. Implanté dans l’est et le sud du continent depuis plusieurs décennies, le groupe a commencé son offensive en Afrique de l’Ouest dès 1999 avec l’acquisition au Ghana de 93 % d’Union Mortgage Bank (rebaptisé Stanbic Bank Ghana). Une présence qu’il a étendue à la Côte d’Ivoire, avec l’ouverture d’un bureau de représentation en 2001, puis au Nigeria, via la prise de contrôle d’IBTC Chartered Bank en 2007. Pour Standard Bank, dont 12,3 % des profits proviennent aujourd’hui de ses filiales situées hors d’Afrique du Sud, il s’agit désormais de renforcer ses positions dans les pays en forte croissance économique.

L’Afrique de l’Ouest, notamment le Nigeria et le Ghana, est également la principale cible de FirstRand. Le sud-africain a conclu en 2012, pour 750 millions de rands, l’acquisition de Merchant Bank Ghana, mais n’a pas eu de succès au Nigeria, le plus important marché de la sous-région avec plus de 160 millions d’habitants. Il y a obtenu un agrément pour mener son activité de banque d’investissement, mais a échoué dans sa tentative d’acquisition de Sterling Bank. Sizwe Nxasana, son PDG, ne désespère cependant pas de trouver de nouvelles opportunités sur ce marché.

Jusqu’où les banques sud-africaines sont-elles prêtes à aller dans leur expansion subsaharienne ? « Elles ont certes la plus importante puissance financière du continent et une expertise pouvant leur permettre de se démarquer de la concurrence, mais elles sont encore très frileuses quand il s’agit de prendre des risques », explique le patron d’un intermédiaire boursier à Abidjan. De fait, plutôt qu’une expansion généralisée, elles choisissent surtout de s’implanter sur les marchés à fort potentiel. D’ailleurs, Bain & Company affirme que « les grands gagnants du secteur bancaire africain ne seront pas ceux qui s’implanteront dans un grand nombre de pays mais ceux qui détiendront le leadership sur au moins quatre marchés clés (parmi lesquels le Nigeria et le Ghana) ».

Une stratégie bien différente de celle des établissements marocains, qui se sont largement déployés dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Attijariwafa Bank, le plus offensif des groupes chérifiens, a ainsi réalisé une dizaine d’acquisitions au cours des cinq dernières années et n’entend pas s’arrêter là. Son patron, Mohamed El Kettani, a récemment indiqué à Jeune Afrique qu’il compte investir près de 1 milliard de dollars (plus de 750 millions d’euros) sur cinq ans pour poursuivre son expansion subsaharienne. Aujourd’hui présent dans vingt-deux pays, le groupe, qui vient de racheter la Banque internationale pour l’Afrique au Togo (BIA-Togo) pour environ 16 millions d’euros, a désormais dans son viseur les pays anglophones et lusophones comme l’Angola. Du côté de BMCE Bank, l’heure est au développement au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), via sa filiale Bank of Africa (BOA) déjà présente dans quatorze pays subsahariens. En 2012, 51,4 % du résultat net de la banque dirigée par Othman Benjelloun (soit 40,6 millions d’euros) ont été réalisés hors du Maroc.

Montée en puissance

Le groupe Banque populaire, le numéro deux marocain, n’est pas en reste. En acquérant, l’an dernier, 50 % de l’ivoirien Atlantic Financial Group (groupe Banque Atlantique), il a indirectement pris pied dans sept pays d’Afrique de l’Ouest. « Avant de lancer une nouvelle phase d’expansion, notamment en Afrique centrale, nous nous attelons à la mise en place de synergies commerciales entre les deux groupes », explique Souleymane Diarrassouba, le directeur général d’Atlantic Bank International, le nouveau holding de tête né du rapprochement entre les deux établissements.
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« Aujourd’hui, c’est la montée en puissance des banques sud-africaines et marocaines dans le reste du continent qui retient l’attention, mais il ne faut pas oublier les nigérianes [qui représentent 70 % des actifs de l’ensemble du secteur en Afrique de l’Ouest] », rappelle un analyste d’un fonds d’investissement basé à Londres. Stoppées dans leur expansion par la crise qui a secoué le secteur dans leur pays, ces dernières, désormais assainies, repartent progressivement à la conquête des marchés de la région.

Certes, United Bank for Africa (UBA), implanté dans 19 pays, ralentit son expansion, et Access Bank cède plusieurs de ses filiales (dont celle de Côte d’Ivoire). Mais GT Bank, l’un des groupes nigérians qui montent, a annoncé son intention de se développer en Afrique de l’Est (Kenya, Rwanda, Tanzanie et Ouganda) dès cette année et, à partir de 2016, dans certains pays d’Afrique francophone comme le Cameroun. Il est déjà présent dans six pays de la région, dont la Côte d’Ivoire. De son côté, First Bank of Nigeria, le leader national, qui a racheté la Banque internationale de crédit en RD Congo en 2011, n’exclut pas de nouvelles acquisitions en Afrique de l’Ouest. Son directeur général, Stephen Olabisi Onasanya, a ainsi déclaré dans la presse locale : « Notre stratégie est avant tout de dominer notre marché domestique et ensuite de nous déployer dans quelques pays ouest-africains. » Tout comme les Sud-Africains.

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