Le dernier secret d’Ali Farka Touré
Avant de mourir, en 2006, la star de la musique africaine avait enregistré un second album avec son complice Toumani Diabaté, virtuose de la kora.
En février 2006, Toumani Diabaté et Ali Farka Touré recevaient un Grammy Award pour leur album commun, In the Heart of the Moon, enregistré l’année précédente. Un mois plus tard, Ali Farka Touré, le « guitar hero » malien, star internationale de la musique africaine, disparaissait, vaincu par un cancer. « Ce qui s’est passé entre nous pendant l’enregistrement et le succès immédiat de cet album m’ont poussé à suggérer à Nick Gold [patron de la maison de disques anglaise World Circuit, NDLR] de profiter de notre passage à Londres pour lui donner une suite », raconte Diabaté. Aussitôt dit, aussitôt fait. En trois après-midi de juin 2005, mais non sans mal. Ali Farka Touré, souffrant, a besoin de faire des pauses quand la douleur devient trop vive.
Dans son studio flambant neuf, à Bamako, où il espère enregistrer son prochain album, Toumani Diabaté, le prodigieux ciseleur de kora, parle, le regard brouillé par l’émotion, de son ancien compagnon de voyage musical, à qui il va rendre hommage lors d’une tournée*. « Ces concerts seront également dédiés à Orlando “Cachaito” López [le contrebassiste cubain de Buena Vista Social Club, décédé en février 2009], paix à son âme, qui a participé à l’enregistrement », précise le musicien, qui avait aussi entraîné Vieux Farka Touré (le fils d’Ali Farka) dans le projet, pour des ajouts de percussions et de chœurs dans certains titres.
Plus de la moitié de l’album s’articule autour de compositions ou d’arrangements sur des airs traditionnels d’Ali Farka Touré. L’un des titres, « Sina Mory », revêt une importance toute particulière. « Il est lié à la rencontre d’Ali avec la guitare. C’était en Guinée-Conakry, en 1956. En descendant du taxi-brousse, il voit un homme jouer de cet instrument. Il interprétait “Sina Mory”, dont les paroles sont tirées d’un conte mandingue. » L’homme en question n’est autre que le Guinéen Keita Fodeba, fondateur des Ballets africains, que Sékou Touré, après l’avoir nommé ministre, accusera de complot et fera fusiller en 1969. Cette rencontre impromptue et cette chanson seraient à l’origine de la vocation d’Ali Farka Touré pour la guitare. « Il ne l’avait encore jamais interprétée », affirme Toumani Diabaté. Quand Nick Gold lui demandait quelle était la première chanson qui l’avait inspiré, il disait toujours ne pas s’en souvenir. « Et là, il l’a jouée, comme s’il avait la prémonition que cet album serait le dernier. Comme pour fermer la boucle. »
* Toumani Diabaté en concert (septet acoustique), "Ali Farka Touré Variations"; le 18 mai à Paris (Casino de Paris, invité : M), le 21 mai à Rabat (Maroc-Festival Mawazine), puis à nouveau en France : le 22 mai à Saint-Etienne (Le Fil) et le 29 mai à Pessac (Festival Rencontres africaines).
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