Claire Denis

Réalisatrice de White Material, sortie en France le 24 mars.

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 24 mars 2010 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Dans votre film, la blondeur est un peu comme la marque d’un péché originel…

Claire Denis : Je m’appelle Claire, et pourtant la blancheur me fait peur. J’ai grandi en Afrique en étrangère et quand je suis rentrée en France, je n’étais pas tout à fait à ma place. Je me souviens, enfant, avoir vu des pasteurs norvégiens arriver au Cameroun et avoir eu peur qu’il arrive quelque chose de terrible. Comme si leur couleur de peau était le signe d’une inadéquation. Dans White Material, je voulais que le chaos vienne détruire cette blancheur. Maria, le personnage principal du film porté haut par Isabelle Huppert, pense qu’elle appartient à cette terre et que rien ne peut lui arriver. Elle ne voit pas qu’il y a quelque chose qu’elle ne pourra jamais effacer. Beaucoup de gens qui vont en Afrique dans l’idée de se faire une place au soleil ou avec un esprit de compassion sont ainsi, comme si leur bonté leur donnait raison.

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Le regard compassionnel, c’est ce que vous craignez le plus ?

La compassion est pour moi la marque d’une nostalgie dégueulasse. Cela me fait penser à l’attitude dépourvue d’humour des ONG et de ces gens qui, à défaut d’être repérables chez eux, veulent laisser des traces dans un pays où ils le sont, comme des escargots qui abandonneraient un peu de bave derrière eux. Travailler avec la romancière Marie NDiaye m’a aidée à me détacher de ce regard compatissant. Je voulais l’aide d’un point de vue sans affect. Marie a déblayé devant sa porte depuis longtemps quand il s’agit de dire les choses de but en blanc… Et puis pour le tournage, j’avais apporté avec moi tous les livres de Sony Labou Tansi dont j’aime la façon de décrire le chaos dans la dérision.

Les enfants-soldats qui apparaissent dans le film ne sont pas à l’image de ceux que l’on a l’habitude de voir. Pourquoi ?

Je suis choquée par la description occidentale des enfants-soldats, comme par exemple dans le livre de Russel Banks, American Darling. C’est dur de les voir sans cesse présentés comme le signe ultime de la sauvagerie. Avec Marie NDiaye, nous les avons qualifiés de « marmaille ». Ce sont d’abord des enfants, avant d’être des soldats.

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