Des idoles « made in Tunisia »

Après avoir exclusivement vénéré celles du Moyen-Orient et de l’Occident, le pays produit désormais ses propres icônes, qui influencent et font rêver les moins de 30 ans.

Fawez Ben Tmessek et les jeunes chroniqueurs du talk-show © Nicolas Fauqué / www.imagesdetunisie.com

Fawez Ben Tmessek et les jeunes chroniqueurs du talk-show © Nicolas Fauqué / www.imagesdetunisie.com

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Publié le 9 avril 2010 Lecture : 4 minutes.

Tunisie : Une nouvelle jeunesse
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Tunisie : Une nouvelle jeunesse

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« Les jeunes Tunisiens ont besoin de leurs propres stars, de gens qui leur ressemblent, qui vivent et parlent comme eux. Pendant trop longtemps, ils ont dû chercher leurs idoles ailleurs, en Occident ou au Moyen-Orient », regrette Nabil Karoui, patron de la télévision maghrébine Nessma TV. « Aujourd’hui, les médias doivent être dans une politique de proximité, explique-t-il. Il faut aller chercher des talents partout où ils se cachent, et je suis sûr que la Tunisie ne manque pas de stars en devenir. »

Jusqu’à présent, dans le panthéon national, seuls les sportifs étaient capables de provoquer l’hystérie. Lorsque l’on demande aux jeunes Tunisiens quelles sont les plus grandes idoles dans leur pays, la réponse est unanime : les footballeurs ! Fahid Ben Khalfallah, Yassine Chikhaoui ou Mohamed Amine Chermiti sont autant de modèles auxquels les jeunes s’identifient. Les joueurs de l’équipe nationale, comme le sélectionneur Faouzi Benzarti, déchaînent les passions, qu’on les admire ou qu’on les raille, selon les résultats.

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Comme dans les autres pays du Maghreb, le star system est encore embryonnaire. Peu de films réalisés chaque année, peu de maisons de production et un paysage médiatique encore étroit expliquent l’engouement du public pour les stars étrangères.

Sur les murs des chambres des adolescents tunisiens, comme sur ceux des chambres de millions de jeunes à travers la planète, ce sont les posters de l’acteur américain Robert Pattinson et de la chanteuse Rihanna qui tiennent actuellement la vedette. Au coude à coude avec les stars moyen-orientales, principalement celles du Liban et d’Égypte.

Pour les chanteurs, faire un crochet à Beyrouth

Incarnation du glamour et de la réussite, les stars orientales séduisent en effet les jeunes des deux sexes. Les filles se sont ruées au concert du chanteur égyptien Ihab Tawfiq, en août 2009, à Carthage, et c’est la chanteuse libanaise Nancy Ajram qui a fait salle comble, pour la Saint-Valentin, lors d’un concert exceptionnel près de Tunis.

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Paradoxe : certaines stars tunisiennes ont dû passer par les télévisions orientales pour se faire connaître dans leur pays. C’est le cas du jeune Sfaxien Ahmed el-Cherif, découvert grâce à la Star Academy libanaise, de même que Wafa Boukil. L’an dernier, la chanteuse a par ailleurs fait le choix judicieux d’internet comme principal support pour la promotion de son titre « Tir Biya », ouvert sur les musiques du monde, teinté de rythme occidental… mais 100 % tunisien. Et il a fait un carton.

La naissance de chaînes de télévision comme Nessma TV ou Hannibal, de radios comme Mosaïque FM et de maisons de production comme Cactus TV, est propice à l’émergence de stars made in Tunisia. Les Tunisiens ont eu, en 2007, leur première Star Ac’ (Star Academy Maghreb) sur Nessma TV et se sont passionnés pour ce télé-crochet. Seul regret, c’est une Marocaine qui a décroché la victoire. Après les castings en octobre et novembre, la Star Academy Maghreb 2 devrait être programmée très prochainement.

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C’est aussi sur Nessma qu’officie Kawtar Boudarraja, la jeune et belle chroniqueuse (marocaine) de l’émission Ness Nessma. Abordée dans la rue, elle se laisse prendre en photo avec des jeunes et se prête au jeu des autographes. « En Tunisie, les personnes célèbres ont peu de vie publique, explique l’animatrice. Mais, en général, les jeunes sont dans un rapport de proximité avec les stars qu’ils apprécient et ils n’hésitent pas à les approcher quand ils le peuvent. »

Autre moyen de conquérir le cœur du public : l’humour. Depuis quelques années, les one-man shows triomphent et parviennent à ramener un public jeune dans des salles de théâtre longtemps désertées. Madame Kenza, le spectacle de Wajiha Jendoubi, a conquis le public.

L’humour fait des ravages

À la télévision, les producteurs misent sur les programmes humoristiques pour faire émerger de jeunes talents, comme les chroniqueurs de Ness Nessma ou « les Guignols » de Sport 7, sur Tunisie 7. La radio est aussi de la partie. « C’est insupportable, depuis que Wassim Herissi fait ses chroniques humoristiques, tous les enfants imitent ses fautes de français et son accent ridicule », se désole Wafaa, mère de deux garçons de 10 et 13 ans. Wassim Herissi est la star montante de la radio Mosaïque FM. À seulement 24 ans, il est l’un des humoristes les plus appréciés des jeunes Tunisiens et l’inventeur d’un nouveau langage, mélange de français et d’arabe, que les jeunes s’amusent à imiter.

Après des études de construction navale en Ukraine, Wassim Herissi rentre en Tunisie il y a deux ans et poste des vidéos de ses sketchs sur sa page Facebook. En un mois, il attire plus de 118 000 fans… Repéré par Mosaïque FM, qui cible un public jeune, il est chargé d’une chronique quotidienne le matin, depuis mars 2009. « Ce qui plaît aux auditeurs, c’est que je leur parle de leur quotidien. Je me moque des travers de notre société, je raille la lenteur de l’administration ou la fascination pour l’argent et la jet-set. » Les personnages qu’il crée sont autant d’archétypes qui « parlent » aux Tunisiens. Il y a la jeune fille qui veut émigrer en Italie et y trouver un mari ; ou Habib, jeune mégalo issu d’un quartier modeste, qui tente de parler le français et rêve de vivre comme les gens riches. « Quel que soit le milieu social, les jeunes se reconnaissent dans ces portraits, qui symbolisent les contradictions de la société tunisienne d’aujourd’hui », ajoute Wassim, qui s’amuse, depuis quelques mois, d’être reconnu dans la rue et félicité par les jeunes de son quartier : « Ils sont ma source d’inspiration. C’est en les observant que j’écris mes sketchs. »

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