Le Vieux Continent, on en revient
Ils ont le sésame qui leur permet de vivre en Europe : la double nationalité. Pourtant, ils sont de plus en plus nombreux à choisir le retour au pays.
Tunisie : Une nouvelle jeunesse
Yacine Tebourbi, un long jeune homme de 28 ans, a retrouvé le sourire. Depuis qu’il a créé avec deux associés, il y a un an, Design Lab, une boîte de graphisme et de design, son carnet de commandes s’est considérablement étoffé. Formé à l’École des beaux-arts de Tunis, il a commencé sa carrière auprès du cabinet d’architecture Bencheikh, à Paris, puis a travaillé pour son propre compte pendant deux ans. « Pendant longtemps, j’ai cru que mon avenir était en France ; c’était une sorte de conditionnement dû à mon éducation et à ma scolarité au lycée français. Mon retour à Tunis n’est pas une position de repli en attendant des jours meilleurs, mais une décision mûrement réfléchie », souligne Yacine. « Pour vivre, explique-t-il, il faut travailler, s’accomplir dans son travail, et en France ce n’est plus possible : toutes les portes sont fermées, même pour les plus doués, à moins d’une rencontre miraculeuse. Ici, j’ai plus d’opportunités, et il y a certainement plus de travail. Sans compter que la vie est agréable et les sorties abordables. Que demander de plus ? »
Un constat que corrobore Wassim Msellem, au dialecte tunisien émaillé d’expressions françaises et d’une pointe d’accent parisien. Pour ses études, il a choisi de quitter la Tunisie en 2003 et y est rentré, par choix, il y a deux mois. « On croit toujours que l’herbe est plus verte ailleurs, et j’étais convaincu qu’il y avait une place pour moi en France. Les études ne sont pas évidentes, on enchaîne des petits boulots pour survivre, il est impossible de se loger. Ensuite, même avec un diplôme de gestion et après avoir cumulé les stages, il ne me restait plus qu’à pointer au chômage ou à continuer les petits boulots. À 26 ans, je n’avais rien fait dans ma vie, et cela m’a fait froid dans le dos », analyse Wassim, évoquant comme un étrange sentiment de trahison et de fausses promesses faites par la France.
Déçus… mais prompts à rebondir
Compte tenu de son niveau de compétences, il aurait aisément pu trouver un autre travail à Tunis, mais il a finalement choisi d’intégrer le service commercial de l’entreprise familiale, spécialisée dans la commercialisation de produits parapharmaceutiques. « L’Europe n’a jamais si bien porté son surnom de Vieux Continent, résume-t-il. Elle ne fait pas de place aux jeunes. C’est devenu un espace réservé aux nantis. »
Rym Gally, ethnologue de 27 ans, surenchérit : « Pendant longtemps je me suis considérée comme Franco-Tunisienne. J’ai grandi en Tunisie avec la France comme référence. Mais j’en suis revenue. Arrivée à Aix-en-Provence, je n’ai pas reconnu la France qui véhiculait des valeurs fortes à travers l’enseignement reçu au lycée français. La société française est morose, compliquée et fermée. Elle a perdu ses lumières. En Tunisie, il y a plus à faire, je peux me créer ma propre carrière. »
Ce qu’elle fait depuis son retour, il y a quatre mois. Elle s’est lancée dans un travail de recherche sur la céramique à travers le Maghreb, en vue de la publier. « Ce travail me permettra de rejoindre, plus tard, une équipe de chercheurs. Ici, l’ambition et la volonté sont encore payantes, et je peux aussi me sentir utile, alors qu’à Aix les professeurs annonçaient à la trentaine d’étudiants en mastère que seuls six heureux élus trouveraient un emploi. » Comme s’il s’agissait plus d’une loterie que d’une question de compétences. Aujourd’hui, Rym Gally se dit « Tuniso-Française ».
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