Éthiopie : l’incontournable Mohammed Al Amoudi
Enrichi dans le BTP et le secteur pétrolier en Arabie saoudite, le cheikh n’a pas oublié son pays natal. Hôtellerie, mines, industrie et désormais agriculture… À Addis-Abeba, aucun secteur ne lui échappe.
Dans les milieux d’affaires éthiopiens, une blague circule sur le cheikh Mohammed Al Amoudi : « En Éthiopie, on ne fait pas de privatisations. Seulement des al-amoudisations ! » Cet homme d’affaires de 68 ans, de nationalité saoudienne mais né en Éthiopie, est « le milliardaire noir » le plus riche du monde, d’après le magazine Forbes, avec un patrimoine de 13,5 milliards de dollars (10,5 milliards d’euros), et, évidemment, la première fortune d’Éthiopie. Dans une économie dominée par les entreprises d’État, il est de très loin le premier employeur individuel. Depuis la chute du régime communiste en 1991 et la prise de pouvoir du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), il a investi plus de 2 milliards de dollars dans le pays, selon son entourage.
Mohammed Al Amoudi est présent dans presque tous les secteurs, de l’hôtellerie (le Sheraton d’Addis-Abeba) aux mines d’or, dont il contrôle l’essentiel de la production nationale, en passant par l’immobilier (même si nombre d’Addis-Abébiens s’exaspèrent de le voir laisser certains de ses terrains en jachère) ou l’industrie (usines de pneus, de textile, la plus grande cimenterie du pays ainsi qu’une aciérie à 600 millions de dollars). « En Éthiopie, ses décisions semblent aussi guidées par la volonté d’investir chez les siens. Il a par exemple installé son aciérie dans le nord de la région Amhara, où il est né. D’autres localisations semblaient plus pertinentes. Mais il sait peut-être des choses que j’ignore », indique Henok Assefa, manageur du cabinet de conseil Precise Consult International.
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Très discret dans les médias (il n’accorde presque jamais d’interviews et ses entreprises, non cotées, communiquent rarement sur leurs résultats), Mohammed Al Amoudi est un acteur mondial. D’après l’histoire officielle, il a fait fortune en 1988 : un contrat de 30 milliards de dollars pour la construction d’un complexe de stockage pétrolier en Arabie saoudite, le pays où il a émigré à l’âge de 19 ans. Depuis, il est devenu un investisseur majeur dans le raffinage en Suède et au Maroc et détient des participations dans des blocs pétroliers en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Congo et en Angola. Il emploie quelque 40 000 personnes à travers le monde, selon son site internet.
Favoritisme ?
Mohammed Al Amoudi se tourne aujourd’hui massivement vers le secteur agricole. Le 4 avril, il a racheté trois entreprises publiques pour 60 millions de dollars et il prévoit d’exploiter, à terme, quelque 300 000 ha. « Le cheikh prévoit d’investir 2,5 milliards de dollars dans ce seul secteur », assure Zemedeneh Negatu, responsable du cabinet Ernst & Young Ethiopia, qui conseille certaines de ses entreprises. « L’objectif, poursuit-il, c’est d’exporter pour 1 milliard de dollars par an de produits agricoles d’ici à six ou sept ans, principalement sur les marchés du Moyen-Orient, auxquels il a facilement accès. Mais il veut conserver 40 % de la production pour le marché local. »
L’extraordinaire influence de Mohammed Al Amoudi dans l’économie éthiopienne n’est pas sans susciter quelques interrogations sur ses liens avec le parti au pouvoir. Haile Assegide, à la tête de plusieurs de ses entreprises éthiopiennes, est d’ailleurs l’ancien ministre d’État chargé des Infrastructures. En janvier 2008, un télégramme diplomatique américain révélé par WikiLeaks remarquait que « quasiment toutes les entreprises d’une importance monétaire ou stratégique significative privatisées depuis 1994 sont passées [sous le contrôle] d’Al Amoudi ». « Il admirait l’ancien Premier ministre, c’est sûr, confirme Henok Assefa. Mais bénéficie-t-il de favoritisme ? Je ne sais pas. Dans la plupart des privatisations, il a fait la seule offre. Aucun investisseur éthiopien ne peut rivaliser avec lui. »
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