Mathieu Kérékou, l’incontournable
Il a endossé tous les costumes et gagné le surnom de Caméléon.
Bénin, ébullition dans le laboratoire de la démocratie
Mathieu Kérékou n’arrête pas d’intriguer. Même réfugié dans un mutisme déroutant, il continue de peser, à sa manière, sur la vie politique béninoise. Son dernier coup d’éclat remonte au mois de février, et c’est son successeur, Yayi Boni, qui en a fait les frais. Ce dernier avait en effet décidé, sans doute pour lui faire plaisir, de le nommer général d’armée, afin de le distinguer de ceux qui furent ses subordonnés et qui ont, depuis, pris du grade. La nomination avait un effet rétroactif et devait rapporter à Mathieu Kérékou quelque 130 millions de F CFA (environ 200 000 euros) à titre d’arriérés. Mais le Caméléon a attendu la publication de l’ordonnance présidentielle pour décliner l’offre.
Ce personnage, qui a toujours porté des lunettes fumées, a, plus que tout autre, marqué l’histoire du Bénin de ces cinquante dernières années. Il totalise à lui seul vingt-neuf ans de pouvoir dont dix-neuf ans en tant que putschiste. Honni durant son règne de marxiste-léniniste, il sera pardonné au point d’être élu à deux reprises comme « l’homme qui a accepté la démocratie ».
Né en 1933 à Kouarfa (nord-est du pays), formé à l’École des enfants de troupe de Kati (Mali) et à celle de Saint-Louis (Sénégal), il poursuivra sa formation en France, notamment à l’École militaire de Fréjus et à l’École d’état-major de Paris. Dès 1965, il est dans les allées du pouvoir en qualité d’aide de camp du premier président du pays, Hubert Maga. Fin 1967, Maga est renversé, Kérékou dirige le Comité militaire révolutionnaire en charge de la supervision du gouvernement. Et il s’éclipse quand les civils reviennent aux affaires. A-t-il pris goût au pouvoir ? En tout cas, il cache son jeu jusqu’à ce 26 octobre 1972 où, en plein après-midi, alors qu’il est chef d’état-major adjoint de l’armée, il renverse le président Justin Ahomadegbé.
Une fois au pouvoir, Mathieu Kérékou fait une croix sur la démocratie. Il débaptise le pays, qui devient alors la République populaire du Bénin. Il impose le marxisme-léninisme et le parti unique. Allant plus loin, il interdit le vaudou. Pour conserver le pouvoir, il manie plus souvent le bâton que la carotte, même s’il pratique une politique du ventre.
Le marxisme-léninisme finit par s’essouffler à la fin des années 1980. La contestation monte. Kérékou a l’intelligence de tendre la main aux forces vives du pays pour débattre des problèmes économiques. Mais la rencontre se transforme en tribune politique. Ainsi démarre la première conférence nationale du continent. Rusé, le président adopte un profil bas. Habile manœuvrier, il demande pardon au peuple pour les excès de son régime. Il rejette le marxisme-léninisme et l’athéisme pour finir, pendant sa traversée du désert, pasteur évangélique ! Mais le bilan de ses vingt-neuf ans de pouvoir n’est pas extraordinaire : le Bénin est toujours parmi les pays les plus pauvres. Et le Caméléon reste un mystère.
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