Bola Abdu Amin, 22 ans, copte d’Egypte
Environ 10 % des 80 millions d’Egyptiens sont coptes (chrétiens orthodoxes). Dans les années 1990, ils ont été l’une des cibles des groupes djihadistes. Aujourd’hui, les attaques terroristes se font plus rares, mais les affrontements entre les deux communautés se multiplient. C’est souvent une querelle concernant une terre, ou la construction d’une nouvelle église, qui débouche sur des violences interreligieuses. La montée de l’islamisme dans la société égyptienne et le regain de religiosité qu’elle a provoqué chez les coptes alimentent ces tensions. Le 6 janvier dernier, une fusillade à la sortie de la messe de Noël, à Nagaa Hamadi, en Haute-Egypte (à 40 km de Louxor), a fait sept morts. Bola Abdu amin, jeune étudiant, y réside. Il est copte et nous parle de ses conditions de vie. Témoignage.
Chrétiens en terre d’islam : l’impossible cohabitation ?
« Je suis des études d’histoire pour devenir professeur. Le mois prochain, je commence mon service militaire. Mon grand-père s’est installé à Nagaa Hamadi en 1962. Il a construit la maison dans laquelle on vit aujourd’hui. J’habite avec mes parents et mon frère, qui est au lycée. Mon père est fonctionnaire. Après la révolution de 1952, la place des coptes dans les administrations s’est réduite. Aujourd’hui, les coptes qui travaillent comme fonctionnaires n’ont en général pas accès aux postes à responsabilités.
Ma mère possède un magasin de produits ménagers. Pendant longtemps, la cohabitation entre coptes et musulmans a été pacifique à Nagaa Hamadi. Il y avait parfois des incidents qui créaient des tensions entre les communautés, mais on les surmontait. Dans les années 1990, des groupes terroristes ont développé un discours très hostile envers les chrétiens. Des querelles qui auraient été auparavant vite oubliées ont commencé à prendre une tonalité religieuse.
En Haute-Égypte, le tar (code d’honneur) régit les conflits. Lorsqu’il y a un différend ou qu’un crime a été commis, on organise une séance de réconciliation entre les deux familles, ou bien le fautif est puni. Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est le concept de punition collective contre les coptes, comme on l’a vu à Alexandrie en 2006, à Farshout (village voisin de Nagaa Hamadi) l’an dernier, et avec la fusillade de Nagaa Hamadi.
Au-delà des violences, il y a les discriminations au quotidien. À l’université, il arrive que les professeurs changent la note d’un élève en fonction de sa religion. Dans les écoles, une radio diffuse des versets du Coran, jamais des passages de la Bible. Mes camarades musulmans me disaient parfois : « La bonne religion c’est l’islam, les chrétiens ont tort. » Et il arrive d’entendre le mot « chrétien » utilisé comme une insulte.
Le fanatisme existe des deux côtés, et les chaînes satellitaires religieuses (musulmanes et coptes) enveniment les choses. Il y a aussi des prêtres qui entretiennent la culture du martyre parmi les coptes, estimant qu’un chrétien persécuté est un bon chrétien. Mais moi j’ai toujours des amis musulmans ! Lorsqu’il y a eu la fusillade à Nagaa Hamadi, ils m’ont appelé pour être sûr que j’allais bien. Ils m’ont rendu visite.
Je pense que la majorité des Égyptiens veut vivre en paix. Mais maintenant, ça va prendre du temps pour éliminer les tensions. Il faut réformer les lois discriminatoires, changer les programmes scolaires…
Le problème, c’est que le gouvernement n’agit pas dans ce sens. »
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