Moyen-Orient : fuir ou mourir ?

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Publié le 30 mars 2010 Lecture : 4 minutes.

Chrétiens en terre d’islam : l’impossible cohabitation ?
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Chrétiens en terre d’islam : l’impossible cohabitation ?

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À la sortie de la messe, au soir du 6 janvier, nuit de Noël selon le calendrier Julien, la communauté copte a été une nouvelle fois la cible d’une attaque meurtrière, à Nagaa Hamadi, à 40 km de Louxor (Haute-Égypte), qui a coûté la vie à sept de ses membres. À la mi-décembre, en Irak, à Mossoul (350 km au nord de Bagdad), des attentats contre deux églises – l’une syriaque catholique, l’autre syriaque orthodoxe – et une école chrétienne avaient fait quatre morts et au moins quarante blessés. Quinze jours auparavant, l’église chaldéenne Saint-Ephrem et le couvent Sainte-Thérèse y avaient été détruits par des bombes.

Ce regain de violence contre les minorités chrétiennes au Proche-Orient et au Moyen-Orient s’explique en partie par la montée des courants musulmans fondamentalistes. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la « croisade » menée par les États-Unis contre la dictature de Saddam Hussein en Irak et contre le terrorisme islamiste partout dans le monde, les chrétiens sont devenus la cible d’attaques récurrentes, parfois meurtrières, et souffrent quotidiennement de nombreuses vexations, discriminations et violences.

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Bien qu’il faille se prémunir de généralités abusives et tenir compte de la diversité du christianisme en Orient, ainsi que des contextes politiques, économiques, sociaux et culturels dans lesquels il s’inscrit, force est de reconnaître que les chrétiens se sentent de moins en moins en sécurité en terre d’Islam, notamment en Mésopotamie, où leur présence est pourtant deux fois millénaire.

Même si les Constitutions de la majorité des pays de la zone assurent la liberté de culte aux chrétiens, les gouvernements se révèlent incapables de faire respecter la loi et de protéger les minorités. « Il faut rompre le mur de silence qui entoure le meurtre de chrétiens à Mossoul et en Irak. L’État ne fait rien, les forces de l’ordre en service sur les lieux des attaques et des meurtres ne voient pas, n’entendent pas et ne parlent pas », déplore Mgr Jean-Benjamin Sleiman, l’archevêque de Bagdad. Car les États sont également responsables de ces discriminations contre les minorités chrétiennes. Ils « laissent faire ». Dans les pays régis par la charia, les chrétiens sont en effet souvent considérés comme des citoyens de seconde zone, y compris par les autorités : on leur interdit l’accès aux emplois publics (justice, armée, universités), et leurs activités cultuelles sont contrôlées, voire prohibées, comme en Arabie saoudite. C’est aussi le cas en Égypte, où la Constitution de 1971 proclame pourtant la liberté religieuse. Michel Chafik, recteur de la mission copte catholique de Notre-Dame-d’Égypte à Paris, parle de « vexations quotidiennes » et de « discriminations flagrantes » perpétrées contre les coptes (voir témoignage ci-dessous). Bernard Heyberger, spécialiste de la question à l’École pratique des hautes études (EPHE), à Paris, proteste : « J’aimerais parler des chrétiens d’Orient autrement qu’en victimes ! En Égypte comme en Irak, la loi, normalement, protège les chrétiens. Mais elle n’est pas appliquée. En Égypte, comme il est inscrit dans la Constitution que “la charia est à la source principale de la législation”, n’importe quel fonctionnaire peut se croire autorisé à appliquer la loi comme il l’entend. »

Dans l’Irak en guerre, de même qu’en Afghanistan, où les manifestations antichrétiennes sont récurrentes et où les meurtres de convertis restent impunis, la situation des chrétiens est bien entendu encore plus précaire. Abusivement assimilés à « l’envahisseur occidental », ils sont devenus des boucs émissaires. Depuis cinq ans, les attentats qui visent les églises et les communautés chrétiennes, aux quatre coins du pays, se sont multipliés. En octobre 2008, les attaques meurtrières quasi quotidiennes perpétrées à Mossoul ont abouti à un exil d’une ampleur jamais observée depuis des siècles : près de 15 000 chrétiens se sont enfuis de la métropole, où règnent des groupes armés sunnites, et ont trouvé refuge dans les villages de la plaine de Ninive, où vit une majorité chrétienne. Ils sont sous la protection d’une armée rémunérée par le ministre chrétien du gouvernement autonome du Kurdistan.

Dans les territoires palestiniens occupés, la situation des chrétiens s’est également détériorée depuis la victoire du Hamas, en 2006. La torture et l’assassinat, début octobre 2007, du baptiste Rami Ayyad ont affolé la communauté chrétienne, et les appels au calme de l’ancien Premier ministre et chef du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, n’ont pas réussi à l’apaiser.

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Dans ces conditions, de nombreux chrétiens d’Orient choisissent l’exil. États-Unis, Europe, mais ils sont aussi 200 000 à s’être réfugiés en Syrie. Leur religion joue cette fois en leur faveur et facilite l’obtention de visas. Les Chaldéens irakiens ont connu ainsi plusieurs vagues d’émigration au moment de la guerre Iran-Irak (1980-1988), de la guerre du Golfe de 1991 et de l’invasion américaine en 2003. Tout comme la diaspora chrétienne libanaise, ceux qui ont pu émigrer sont généralement les plus lettrés et les plus riches. Ils entretiennent des liens forts avec leur communauté d’origine et la soutiennent financièrement et moralement.

L’influence de ces diasporas, les appels au dialogue interreligieux lancés conjointement par le Vatican et la Commission Al-Azhar pour le dialogue entre les religions monothéistes, de même que la conscience d’un destin – et d’un pays – commun aux musulmans et aux chrétiens, représentent cependant pour ces derniers autant de raisons d’espérer un avenir meilleur, où ils ne seront pas contraints à l’exil. 

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Bola Abdu Amin, 22 ans, copte d’Egypte