Des pixels et des octets

Repéré par le rappeur américain Kanye West, salué par le New York Times, l’Ivoirien Paul Sika a su imposer son style. Des images des quartiers populaires d’Abidjan sursaturées et retravaillées sur ordinateur.

Fouka Riddim 7 (2008). © Paul Sika

Fouka Riddim 7 (2008). © Paul Sika

Publié le 18 mars 2010 Lecture : 2 minutes.

L’histoire de Paul Sika N’Cho est un conte moderne, et il aime la raconter. Il ne s’en est guère privé le 5 mars dernier à Abidjan : à l’occasion du BarCamp, une rencontre participative destinée aux férus de technologies numériques, il expliquait comment il est devenu la nouvelle coqueluche du gotha mondial de la photographie artistique… depuis la Perle des Lagunes.

En juin 2009, le très médiatique Kanye West publiait l’un de ses clichés sur son blog. Peu après, le New York Times le qualifiait de « prodige du multimédia », et Josette Lata, influente agent d’artistes new-yorkaise, le prenait sous sa houlette sans même l’avoir rencontré !

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C’est à Londres, néanmoins, que l’aventure a débuté, en 2003. À peine ses 18 ans fêtés, Paul Sika quitte sa Côte d’Ivoire natale pour apprendre la langue de Shakespeare et devenir ingénieur en informatique… jusqu’à ce qu’il en décide autrement après avoir vu la bande-annonce de Matrix Reloaded. L’esthétique du film le fascine et lui donne envie de passer derrière la caméra. En attendant d’avoir les moyens de se lancer, il achète un appareil photo et se met à shooter tout ce qui bouge autour de lui. Mais Sika se lasse vite. « Je voulais faire quelque chose de nouveau, de différent. L’influence du cinéma fantastique, du dessin animé, des mangas mais aussi des contes africains a fini par me dicter un style », explique-t-il.

Warhol et David LaChapelle

C’est à son retour en Côte d’Ivoire, en 2007, que l’artiste finit par se trouver. Sa technique, le photomaking, se met en place, se nourrissant volontiers des perspectives ouvertes par David LaChapelle, photographe et réalisateur américain aux accents surréalistes, et avant lui Andy Warhol. Tel un metteur en scène, il installe ses personnages dans des décors cinématographiques. Puis, grâce au numérique, retravaille les couleurs. Les quartiers pauvres d’Abidjan sont alors transfigurés par ses effets spéciaux qui sursaturent l’image. Ses personnages, des petites gens placés dans des situations quotidiennes des ghettos d’Abidjan, semblent portés par une énergie spirituelle qui les sublime.

Le fruit est mûr. En avril 2009, Paul Sika crée, avec son compère Frédéric Tapé, son site internet (www.paulsika.com) qui lui permet de se faire connaître du milieu. Pari réussi. Le photographe exposera ses œuvres du 26 au 28 mars au Sandton Convention Center dans le cadre du Joburg Art Fair. Et, à partir du 31, à Covent Garden (Londres) dans le cadre du Festival African Heritage. Prochaine étape ? Un livre de photos autoédité, At the Heart of Me, dont il assurera la promotion via les réseaux sociaux en ligne comme Facebook. Mais le jeune artiste ne se limite pas à la photo et fourmille de projets dans le prêt-à-porter, le marketing, la pub… « Au-delà de tout, je me vois comme un entrepreneur créatif nomade », lance-t-il. On attend avec impatience la suite du film.

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