La fiscalité doit favoriser l’investissement
Gabriel Fal, PDG de CGF Bourse, à Abidjan.
Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, le marché financier de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) n’est pas un marché d’actions, ou très peu. C’est essentiellement un marché primaire, obligataire et institutionnel. Cela veut dire que des émetteurs lancent des emprunts obligataires, qui sont souscrits par les institutions financières, lesquelles les conservent jusqu’à maturité. Le problème aujourd’hui est que les conditions d’accès au marché et la fiscalité, qui sont très favorables aux États, pénalisent les entreprises souhaitant faire des appels publics à l’épargne pour financer leurs investissements.
Au terme de l’année 2009, le marché obligataire régional a permis de lever environ 2 000 milliards de F CFA. La quote-part des États est de 67 %, le secteur public marchand représente environ 17 %, et le secteur privé se limite à 16 %. Les États ont la possibilité d’émettre soit à travers le réseau des sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI), soit à travers la BCEAO. Dans la pratique, les deux marchés se confondent, car les banques commerciales, en tant que souscripteurs, dominent outrageusement l’un et l’autre marché. Or les banques commerciales ne disposent en général que de dépôts à vue ou à très court terme. Cela fait que, plus elles souscrivent à des emprunts obligataires, plus leurs ratios prudentiels se dégradent. Il faut donc s’attendre à ce qu’elles soient, à l’avenir, moins réceptives aux émissions obligataires que par le passé.
Voilà donc un marché qui finira par se contracter, à moins d’y introduire des réformes. Lesquelles ? Il est nécessaire de convaincre la BCEAO d’instaurer une véritable courbe des taux d’intérêts directeurs, de telle sorte qu’il y ait une réelle incitation à l’épargne longue. Aujourd’hui, dans une banque, un dépôt à terme à 1 an n’est pas beaucoup mieux rémunéré qu’un dépôt à 1 mois, ce qui n’est pas de nature à favoriser la création des ressources longues. Ensuite, il faut écouter les organismes spécialisés dans la collecte de l’épargne publique à long terme comme l’épargne logement, l’assurance-vie, l’épargne études, l’épargne retraite, etc., qui nous diront quelles sont les mesures fiscales, législatives et réglementaires qui peuvent être prises pour améliorer les ressources longues et donc la demande de titres obligataires.
Du côté de l’offre de titres, il n’y a pas assez d’émetteurs en dehors des États. Il est vrai que les États et les entreprises ne sont pas à armes égales sur le « marché ». Pour une entreprise, les délais et les conditions d’obtention des visas d’émissions de titres sont longs et difficiles. La fiscalité et les autres modalités d’émissions rendent les emprunts obligataires d’État, qui sont entièrement défiscalisés, plus attractifs que ceux des entreprises.
Il faut que la fiscalité de l’épargne soit incitative pour les épargnants, les collecteurs d’épargne et les émetteurs non étatiques. Actuellement, la fiscalité des obligations d’entreprises privées varie d’un pays à l’autre de 2 % à 14 % à la charge du souscripteur. Elle doit être harmonisée au niveau de l’UEMOA pour casser la tendance à la balkanisation des marchés aux dépens d’un réel marché régional intégré. Les obligations, émises pour financer des investissements, doivent être accompagnées d’une note d’information détaillée de description et d’analyse du ou des projets, ce qui n’est pas toujours le cas. Les textes sur la notation ont été adoptés, cela va alléger la mise en place fastidieuse des garanties obligatoires et chères. En revanche, sur le plan organisationnel, le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF) doit disposer de moyens pour statuer sur les dossiers dans les meilleurs délais. Au niveau des produits, il faut travailler sur l’immense chantier des fonds privés de retraite, favoriser les fonds communs de placements et les Sicav. Les assurances IART et l’assurance-vie doivent être renforcées dans leurs dispositifs de collecte et de rémunération de l’épargne longue. Finalement, les banques commerciales doivent pouvoir se servir d’une vraie courbe des taux pour mieux faire face à leurs contraintes, aux besoins de leurs clients et aux impératifs du marché financier de l’UEMOA.
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