Soumaïla Cissé : d’une présidence l’autre?

À la tête de la Commission de l’UEMOA depuis janvier 2004, le Malien entame, à 61 ans, la dernière année de son mandat. Avant de briguer, peut-être, la magistrature suprême dans son pays.

Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la république et la démocratie, en 2015. © Vincent Fournier pour J.A

Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la république et la démocratie, en 2015. © Vincent Fournier pour J.A

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 23 mars 2010 Lecture : 5 minutes.

Le sourire avenant. La poignée de main chaleureuse. Ce dimanche 21 février après-midi, Soumaïla Cissé, 61 ans, président de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), se veut l’ami des journalistes, qu’il reçoit en compagnie de ses collaborateurs pour un déjeuner. Auprès de ces hommes des médias, il se veut le chantre de l’intégration sous-régionale : « Aujourd’hui, il faut être ensemble pour faire face aux défis du monde. Aucun pays ne peut s’en sortir seul. » La veille, au Centre international de conférences de Bamako, s’est tenu le 14e sommet des chefs d’État de ­l’UEMOA, dont il préside l’organe exécutif depuis six ans. Et la liste des bonnes performances de la zone face à la crise, égrenées par les représentants des huit pays membres, semble lui donner raison. Même si l’ambiance du sommet a été plombée cette année par le coup d’État au Niger et le regain de tension en Côte d’Ivoire, Soumaïla Cissé a voulu donner à cette rencontre un écho particulier. En témoigne le casting des médias, plus étoffé et diversifié que d’habitude. Une consigne qu’il aurait donnée lui-même. Un hasard ? En fait, la réunion de Bamako coïncide avec la dernière année de son mandat. Et l’heure semble déjà au bilan : « Nous avons fait des progrès. Le commerce intracommunautaire est passé de 7 % à 15,5 % aujourd’hui, alors que nous tablions sur 13 %. Après une phase de conceptualisation, les actions de l’Union touchent désormais directement les populations des États membres », indiquait-il en substance. Mais il reconnaît aussi les persistantes difficultés liées à la libre circulation des personnes et, surtout, des biens. Un processus qui, selon lui, avance progressivement.

Envie de se sentir « chez soi »

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Voilà donc le jeune stagiaire d’Électricité de France (EDF) d’entre 1975 et 1976, ingénieur-informaticien de formation, devenu promoteur du développement sous-régional et servant à souhait le discours bien rodé d’un économiste à ses interlocuteurs. Son expérience à la tête d’antennes maliennes de plusieurs institutions financières (BAD, FMI, BID…) y a certainement contribué. Pourtant, lorsqu’il était plus jeune, ce natif de Niafunké, dans la région de Tombouctou (centre du Mali), marié et père de quatre enfants, rêvait de devenir ingénieur des ponts et chaussées. C’est un concours de circonstances qui l’amène à des études d’informatique dans l’Hexagone. Sa carrière dans ce domaine débute en 1978 : il passe successivement du poste d’analyste chez Answar, une filiale du groupe Thomson-France, à celui de chef de projet chez Air Inter. Au bout de six ans et après de longues hésitations, Soumaïla Cissé décide de rentrer au bercail, motivé, selon ses propres termes, par l’envie de se sentir « chez soi ». C’était en 1984.

« C’est Boubacar Sada Sy, alors patron de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), qui fit appel à lui pour monter la cellule informatique de la société publique », explique-t-on au Mali. « Ce n’est pas tout à fait vrai, rectifie-t-il. J’avais deux autres propositions, mais c’est celle de la CMDT que j’ai préférée. » Il y fait ses débuts au poste de coordinateur des projets de développement intégré de la zone cotonnière du Mali et en gravira les échelons pour en prendre la direction. Puis, avec le soutien de son mentor, Boubacar Sada Sy, puissant baron de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema, le parti majoritaire du pays), il est propulsé sur le devant de la scène politique en devenant secrétaire général de la présidence d’Alpha Oumar Konaré en 1992, avant d’enchaîner les portefeuilles ministériels, dont celui des Finances et du Commerce. Nommé en 2004 à la tête de la Commission de l’UEMOA, après avoir été adversaire d’Amadou Toumani Touré (ATT) à la présidentielle de 2002, il sera obligé de mettre officiellement sa carrière politique entre parenthèses.

Et « Soumi », comme l’appellent affectueusement ses sympathisants maliens, s’efforce de s’en tenir à sa fonction de président de la Commission en essayant d’esquisser une vision d’avenir à l’UEMOA : « Nous avons beaucoup pris exemple sur l’Union européenne. Nous devons désormais nous démarquer de cette transposition et tracer notre propre voie », affirme celui dont les détracteurs disent qu’il ménage les chefs d’État par crainte de compromettre ses propres ambitions. Mais celui qui a signé de ses mains l’acte validant la dévaluation du franc CFA, en 1994, alors qu’il présidait le Conseil des ministres de l’Économie de l’UEMOA, défend l’arrimage du franc CFA à l’euro. Entre autres arguments avancés : la stabilité macroéconomique et les importations à bas coûts. À ceux qui opposent le problème de compétitivité à l’export, il le leur concède, mais répond par l’impératif besoin d’accroître d’abord le commerce entre les pays membres de l’Union.

Candidat malheureux en 2002

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Vis-à-vis des locomotives de la sous-région, notamment la Côte d’Ivoire, le président de la Commission de l’Union se veut intraitable : « Quand on est le grand frère, on se doit de donner le bon exemple », affirme-t-il. Ainsi, crise ou non, la Côte d’Ivoire est tenue de payer 1 % de ses taxes douanières à titre de prélèvement communautaire de solidarité, mais aussi les autres cotisations destinées à financer le Fonds d’aide à l’intégration régionale, le Fonds régional de développement agricole et le Programme économique régional en charge des projets d’infra­structures (routes, chemins de fer, énergie…)

Le candidat malheureux à la présidentielle de 2002 ne fait pas l’économie des actions de l’UEMOA pour le Mali : 300 forages sur les 2 500 réalisés, 50 milliards de F CFA décaissés pour compenser la perte de recettes douanières, mais aussi et surtout la construction du siège du prochain Parlement de l’Union (dont le coût est estimé à 15 milliards de F CFA) qui va y être édifié. Pour Soumaïla Cissé, c’est là toute l’importance de la tenue à Bamako du 14e sommet des chefs d’État de l’UEMOA : montrer à ses concitoyens que, même absent ou à distance, il œuvre pour le pays.

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En cet après-midi de la saison sèche au Mali, la vue est imprenable sur la capitale malienne depuis le seizième étage de l’hôtel de l’Amitié (Laico). Des fenêtres de sa suite présidentielle, Soumaïla Cissé déroule sa vision de l’aménagement urbain de Bamako. Avec passion, l’homme évoque aussi des projets qu’il souhaiterait réaliser avec les groupes libyens, très présents dans le pays. Son discours, qui peut être justifié par son statut d’ancien ministre de l’Équipement, de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et de l’Urbanisme, sonne comme un programme électoral pour la présidentielle malienne de 2012. Ce que réfute l’intéressé : « Ce n’est pas un objectif en soi, et je ne le conçois pas en termes d’ambition personnelle. C’est une décision collective qui se prendra le moment venu. »

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