Remue-ménage à l’OIF
Ses services étaient jusqu’ici disséminés entre cinq sites. Dans un souci d’économie et de rationalisation, elle a choisi, non sans mal, de les regrouper dans le 7e arrondissement de Paris. L’organisation devait inaugurer son nouveau siège le 20 mars, mais l’événement a été reporté, les travaux ayant pris du retard.
Le 20 mars, le président français Nicolas Sarkozy était censé inaugurer en compagnie d’Abdou Diouf le nouveau siège de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui fête cette année ses 40 ans. Mais les travaux ne sont pas suffisamment avancés pour garantir la sécurité et l’espace nécesssaire à ce type d’événement. Le déménagement à proprement parler aura lieu pendant les mois de juillet et d’août, si naturellement les travaux sont achevés d’ici là. Lancé par le président Jacques Chirac à Beyrouth, en octobre 2002, le projet de « Maison de la Francophonie » devrait donc voir le jour avant la fin de l’année. Après bien des rebondissements.
Administrateur de l’OIF, Clément Duhaime se réjouit de l’heureuse conclusion qui verra tous les services de l’OIF s’installer au 19-21 de l’avenue Bosquet, dans le 7e arrondissement de Paris. « Pour la première fois, on va pouvoir regrouper toute l’organisation en un lieu prestigieux, dit-il. Cela va permettre de rationaliser les coûts et de faire des économies importantes en matière d’accueil, d’informatique ou d’utilisation du papier. » Auparavant, l’organisation était dispersée en cinq lieux différents, entre Paris et Bordeaux. Deux étaient mis à disposition par l’État français, deux appartenaient à l’OIF, et le dernier était loué. La superficie de l’ensemble de ces sites était de 8 515 m2, soit à peine moins que les deux immeubles de l’avenue Bosquet : 8 656 m2, dont 6 100 m2 de surface utile.
Avant de se rallier à cette solution a minima, la France avait envisagé d’installer la Maison de la Francophonie dans un espace beaucoup plus grand (10 000 m2) situé avenue de Ségur, toujours dans le 7e arrondissement. L’OIF aurait été accompagnée par les différents opérateurs de la Francophonie : l’Association internationale des maires francophones, l’Agence universitaire de la Francophonie ou encore l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Un accord avait même été signé à Bucarest, le 26 septembre 2006. Mais les coûts (plus de 100 millions d’euros) et les délais (entre cinq et dix ans de travaux) ayant soulevé la polémique, cette solution a été abandonnée au mois de juillet suivant.
Financement « innovant »
Le 8 janvier 2008, Sarkozy a fait une nouvelle proposition – moins ambitieuse, mais plus économe – à Abdou Diouf, le secrétaire général de l’OIF, qui l’a aussitôt acceptée. Les immeubles de style haussmannien de l’avenue Bosquet n’accueilleront finalement que l’OIF, les autres opérateurs conservant leurs locaux actuels. Ces derniers « restent à proximité des institutions avec lesquelles ils sont en réseau, notamment l’Hôtel de Ville, la Sorbonne et le Parlement, explique Clément Duhaime. Mais tous disposeront d’un bureau à la Maison de la Francophonie et seront représentés dans un “espace francophone”, au rez-de-chaussée ».
Mis à disposition de l’OIF par la France pour une durée de cinquante ans, les locaux de l’avenue Bosquet ont été achetés à l’État français et à l’Office national interprofessionnel des grandes cultures (Onic) pour 59 millions d’euros par la Société de valorisation foncière et immobilière (Sovafim), détenue à 100 % par l’État français. Les coûts de rénovation et de mise aux normes, qui sont à la charge de ce promoteur (et maître d’œuvre), sont évalués à 15,3 millions d’euros (HT). L’ensemble sera ensuite loué par la Sovafim au ministère des Affaires étrangères pour le compte de l’OIF. Montant du loyer annuel : 5,3 millions d’euros.
Au Quai d’Orsay, le conseiller Laurent Lagonotte évoque un « financement innovant ». La question du recours à la Sovafim a néanmoins été abondamment débattue lors d’une séance de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le 18 mars 2009. Pourquoi l’État français a-t-il besoin de passer par une société extérieure, qui lui appartient, pour acheter puis louer un immeuble que, bien sûr, il pourrait acquérir directement ? D’autant que l’opération est fort coûteuse : le versement, cinquante ans durant, d’un loyer de 5,3 millions d’euros lui reviendra à quelque 265 millions d’euros. Soit environ quatre fois le prix initial des deux immeubles. Au ministère du Budget, on invoque des « critères d’efficacité » et des « contraintes budgétaires ». La véritable explication est fort simple. Il s’agit d’une astuce comptable pour éviter à l’État de sortir des critères de Maastricht : l’endettement de la Sovafim n’est pas compté dans la dette publique…
Mais Laurent Lagonotte rappelle que l’État a, à tout moment, la possibilité de racheter le bien, « dans un contexte assaini ». Par ailleurs, aux termes de la convention signée à Québec, en octobre 2008, entre le gouvernement français et l’OIF, le produit de la vente des locaux bordelais (15, quai Louis-XVIII) et parisiens (15, quai André-Citroën) de l’organisation reviendra directement à l’État.
« Le très grand attachement de la France »
« En tant qu’administrateur, je suis sur un nuage, confie Clément Duhaime. Dans une conjoncture économique difficile, la France montre son très grand attachement à la Francophonie. Il y aura toujours des esprits chagrins pour critiquer, mais je ne serai jamais gêné de monter au créneau pour défendre les efforts français. »
De fait, il y a bien quelques esprits chagrins. Les représentants de certains États membres s’interrogent par exemple sur l’intérêt de vendre des immeubles pour devenir locataire, tandis que certains agents de l’OIF craignent le déménagement : les locaux de type haussmannien n’étant guère modulables, il leur faudra abandonner toute idée de bureaux individuels.
Selon les calculs de la Sovafim, chacun des quelque trois cents agents de l’organisation disposera d’un espace d’environ 12 m2. Un chiffre certes dans la norme, mais qui ne permet guère de flexibilité. D’autant que l’OIF a besoin de nombreuses salles de réunion. Mais Clément Duhaime n’est pas inquiet : le ministère français des Affaires étrangères devrait lui donner accès à une grande salle de conférences sise 27, rue de la Convention, dans le 15e arrondissement.
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