Supergendarme arabe…

En réaction à un projet de loi américain visant les bouquets satellitaires, la Ligue arabe ressuscite l’idée d’un office chargé d’imposer une ligne directrice aux différentes chaînes.

Publié le 19 mars 2010 Lecture : 2 minutes.

Dormant depuis 2001 dans les cartons d’Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue des États arabes, le projet d’un Office des chaînes satellitaires a été ressorti le 24 janvier, lors d’une réunion des ministres de l’Information. Cette instance aura pour missions de promouvoir les productions panarabes, de développer des médias arabes modernes et de présenter une vision arabe de l’actualité, en soulignant la différence entre résistance et terrorisme. Car il s’agit de répondre opportunément à un projet de loi américain, voté le 8 décembre 2009 par la Chambre des représentants par 395 voix contre 3, qualifiant de dirigeants « d’organisations terroristes » les patrons de bouquets satellitaires qui diffusent des programmes « incitant à la violence antiaméricaine ». Dans la ligne de mire : Al-Aqsa du Hamas palestinien et Al-Manar du Hezbollah libanais, ainsi que « les chaînes similaires ». Ce sont donc potentiellement tous les bouquets arabes qui sont menacés. Pour le Réseau arabe d’information sur les droits de l’homme (ANHRI), cette loi « contrevient aux standards internationaux en matière de liberté d’expression ». Mais pour être adoptée, elle devra au préalable être ratifiée par le président Barack Obama.

Dans un communiqué publié le 24 janvier, la Ligue arabe a rejeté cette « ingérence américaine », arguant que les bouquets satellites ne sont pas responsables des émissions diffusées, et a appelé les États-Unis à bannir, de leur côté, les programmes « provocateurs à l’encontre des Arabes et des musulmans ». Elle a cependant assuré qu’elle était déterminée à poursuivre sa lutte contre « l’incitation à l’extrémisme […] et à la violence ». C’est dans ce contexte qu’Amr Moussa a ressuscité le projet d’Office satellitaire, lequel permet de faire d’une pierre deux coups : donner des gages aux États-Unis et resserrer le contrôle sur les chaînes satellitaires.

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En février 2008, les vingt-deux États membres de la Ligue avaient adopté une charte de la diffusion satellitaire aux termes de laquelle les chaînes arabes sont tenues d’« être en conformité avec les valeurs religieuses et éthiques des sociétés arabes », d’« éviter les programmes érotiques ou obscènes », mais aussi de « ne pas offenser les dirigeants arabes »… Le Liban avait voté contre, et le Qatar, qui abrite Al-Jazira, s’était abstenu. La chaîne qatarie est d’ailleurs dans le collimateur des parrains du projet, l’Égypte et l’Arabie saoudite, qui se sont souvent plaintes de ses émissions critiques à l’égard de leurs gouvernements. Reporters sans frontières (RSF) craint que « cette instance ne se transforme, à terme, en une arme redoutable contre la liberté d’information ». Les incertitudes autour du financement, des prérogatives et de l’identité du patron de la future instance ne laissent pas non plus d’inquiéter. Les ministres arabes de l’Information ont jusqu’à octobre de cette année pour formuler leurs propositions. 

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