Parant et l’Afrique, une affaire de famille

Son grand-père fut gouverneur au Gabon, son père, conseiller de Houphouët. Cet homme courtois et efficace est aujourd’hui le spécialiste du continent auprès de Sarkozy.

André Parant. © Fedephoto pour J.A

André Parant. © Fedephoto pour J.A

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 24 mars 2010 Lecture : 4 minutes.

Depuis six mois, le plus vaste et le plus beau des bureaux – le seul avec rez-de-jardin – du 2, rue de l’Élysée à Paris, là où est installée la cellule diplomatique du président de la République, est occupé par un homme discret dont la fonction officielle de conseiller adjoint recouvre une appellation qui eut longtemps une image sulfureuse : « Monsieur Afrique ». André Parant, 53 ans, successeur de Bruno Joubert aux côtés de Nicolas Sarkozy, s’est glissé dans la peau de l’« Africain » du Château avec d’autant plus d’aisance que cet ancien ambassadeur au Sénégal, par ailleurs époux de la journaliste Maya Siblini (RFI, puis France 24), a avec le continent une relation familiale très particulière.

À Libreville, dans le cimetière « européen » proche des bâtiments de la chancellerie française, il est en effet une tombe sur laquelle André Parant n’est allé pour la première fois se recueillir que tout récemment, après sa nomination à l’Élysée. Ici repose un autre André Parant, son grand-père, compagnon de la Libération, deux fois médaillé de la Croix de guerre et ancien gouverneur du Gabon. Un aïeul que le conseiller chargé de l’Afrique n’a jamais connu, mais dont le récit d’une vie héroïque a dû bercer l’enfance. Capitaine en 1940, Parant rejoint Londres et est aussitôt affecté au Ghana par le général de Gaulle, avec pour mission d’y former un bataillon de volontaires pour libérer l’Afrique-Équatoriale française de l’emprise des troupes pétainistes. Début septembre 1940, André Parant s’empare de Pointe-Noire, au Congo, puis remonte vers le Gabon à la tête de ses hommes. Le 5 novembre, après un mois de combats fratricides, Libreville tombe. Nommé gouverneur, il décède en mars 1941 des suites d’un accident d’avion, à Yaoundé, au Cameroun.

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Un retour délicat

Son fils, Philippe, aura lui aussi une histoire avec l’Afrique. De 1961 à 1969, le père d’André Parant a été l’un des conseillers spéciaux, en charge de l’économie, du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, avant d’entamer une carrière de préfet en France. C’est dire si le pedigree africain de cet énarque natif du Jura a quelque chose de prédestiné.

Premier poste à l’étranger : le Maroc. André Parant y est secrétaire d’ambassade au milieu des années 1980, avant d’être affecté à Bruxelles, où il suit la renégociation des accords de Lomé. En 1990, le voici nommé à Bangui comme chef de la mission de coopération. L’ambassade étant paralysée par une guéguerre franco-française entre le titulaire du poste et le colonel Mansion, chef de la garde présidentielle, c’est lui qui supervise la première consultation centrafricaine pluraliste, en août 1993 – qui se solde par la défaite d’André Kolingba et l’élection d’Ange-Félix Patassé. De retour à Paris, André Parant travaille aux côtés de Jean-Michel Severino à la direction du développement du Quai d’Orsay, puis intègre le cabinet du ministre Hervé de Charette en tant que chargé de mission Maghreb et Moyen-Orient. Une spécialisation qui, bien qu’il ne soit pas arabisant, sera la sienne pendant près de dix ans : tour à tour sous-directeur Égypte-Levant au ministère puis conseiller auprès du diplomate en chef de Jacques Chirac à l’Élysée, Maurice Gourdault-Montaigne, de 2002 à 2005.

Son retour sur le continent s’effectue dans des conditions délicates. L’ambassadeur de France à Dakar, Jean-Didier Roisin, entretient alors avec le président Abdoulaye Wade des rapports à ce point tendus que ce dernier réclame son rappel à Jacques Chirac. André Parant est donc nommé avec la mission explicite de renouer le dialogue. Il y parvient à sa manière : courtoise, sans familiarité aucune, mais efficace. Une réussite qui lui vaut en 2007 d’être nommé par Sarkozy – confirmant en cela une décision de Chirac peu avant son départ de l’Élysée – au poste sensible d’ambassadeur au Liban. Il restera un peu plus de deux ans à Beyrouth, le temps d’essuyer certaines critiques (antisyrien, proche de Samir Geagea…), dont il se défend. Le temps aussi de recevoir à deux reprises un homme qu’il avait déjà accueilli à Dakar : Nicolas Sarkozy. Le 22 septembre 2009, ce dernier l’intègre au sein de sa cellule diplomatique dirigée par Jean-David Levitte en remplacement de Bruno Joubert, désormais ambassadeur à Rabat. Là non plus, la succession n’est pas des plus simples.

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Ligne de rupture

Campé sur une ligne de rupture en matière de politique africaine de la France et très remonté contre Robert Bourgi, le marabout africain du président, toujours influent en matière de relations personnelles entre le chef de l’État français et certains de ses homologues africains, Joubert souhaitait quitter le 2, rue de l’Élysée depuis plusieurs mois. Une équation qu’André Parant gère à sa manière : s’il rencontre assez régulièrement Me Bourgi, il a conservé à ses côtés le très « rénovateur » Rémi Maréchaux, qu’il a connu en Centrafrique et qui n’a jamais caché le peu de sympathie que lui inspiraient les derniers dinosaures de la défunte Françafrique ainsi que les survivances de la politique des réseaux. Surtout, Parant reçoit tout le monde – émissaires officiels, opposants, figures de la société civile. Un éclectisme qui est aussi une petite révolution : désormais, être reçu par le « Monsieur Afrique » de l’Élysée ne signifie plus ipso facto être adoubé par la France…

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