Tervuren ou le formol belge
Construit sous Léopold II au XIXe siècle, près de Bruxelles, l’ancien palais des Colonies reste figé dans un passé suranné.
RD Congo : une histoire belge
À 15 km de Bruxelles, Tervuren est une bourgade champêtre qu’une forêt protège de l’agitation citadine. Ici, le temps s’est arrêté il y a plus d’un siècle, quand Léopold II fit construire le palais des Colonies. Tervuren était son domaine, et le « roi bâtisseur » voulait un petit Versailles pour exposer les trésors de l’« État du Congo indépendant », sa propriété, que la Belgique devait recevoir en héritage. Dessiné par l’architecte français Charles Girault (celui du Grand Palais, à Paris), l’ensemble sera achevé en 1910. Cinq rois se sont succédé depuis Léopold II. Le palais de Tervuren est devenu le musée du Congo belge, puis le musée royal de l’Afrique centrale, son nom actuel. Il est pourtant resté figé dans son jus néoclassique comme un reptile dans du formol.
Dans le hall, des statues de bronze célèbrent la colonisation. Une femme nue, cheveux au vent et regard lointain, incarne « l’expansion belge », une autre (vêtue), flanquée de deux « nègres » qui ne lui arrivent pas à la cheville, « la Belgique apportant la sécurité au Congo ».
« Les trésors du Congo sont ici »
Après ce premier contact, les 140 000 visiteurs annuels poursuivent leur voyage dans le passé dans un dédale de galeries sombres et parquetées, entre la vitrine « Savane du Nord » – hyène rayée, lionne gueule ouverte sur fond de feuillages – et des murs tapissés de papillons. Il y a aussi des collections par zone géographique. La plupart sont antérieures à 1920. Du côté du Kasaï, on pourra ici s’extasier devant les bas-reliefs géométriques d’un tambour lulua, là blêmir sous le regard acéré d’une statue expiatoire songye, deux peuples de la région.
« Tous les trésors du Congo sont ici », dit un homme politique belge. Seule une infime partie est exposée. Au total, le musée possède 8 000 instruments de musique, 56 000 échantillons de bois, 250 000 de pierres… Tervuren est aussi un centre de recherche, où travaillent 80 scientifiques.
Partout, les cartouches ont jauni, la mise en scène est telle qu’au siècle dernier. « L’esprit est très colonial, c’est encore la vision de la Belgique d’avant-1960 », admet le directeur, Guido Gryseels. La dernière grande rénovation remonte à 1958, pour une exposition universelle.
Les mains coupées par les nervis de Léopold II et l’esclavage ne sont cependant plus tabous. Ils sont néanmoins évoqués au détour d’un couloir, dans quelques salles reculées. Ce sont les restes d’une exposition consacrée au passé colonial, en 2005. Le placard n’est encore qu’entrouvert.
Fin 2010, des travaux doivent démarrer. Ils doivent durer trois ans. La muséographie sera repensée et modernisée. Il est temps. Le musée fête son centenaire cette année.
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