Barack Obama, un an plus tard
« Celui qui arrive au pouvoir par trop d’espoirs ne peut que décevoir. Celui qui arrive au pouvoir par trop de promesses connaîtra la bérézina. » La déception est le corollaire de l’espoir. Lorsqu’on attend trop d’une personne, celle-ci ne peut répondre aux attentes démesurées et, très vite, ceux qui la veille l’ont adulée la décrient le lendemain.
C’est peut-être ce qui arrive aujourd’hui au 44e président des États-Unis. Un an à peine après son élection, sa cote de popularité est en baisse, tant aux États-Unis que dans le reste du monde. Ce verdict des sondages me paraît particulièrement mal fondé. Certes, Barack Obama était porteur d’espoir, mais il ne fallait pas attendre de lui des miracles. Dès lors, il n’a pas déçu les personnes sensées et réalistes, car il reste fidèle à son image. Il a été élu dans l’enthousiasme par la majorité des Américains, un enthousiasme partagé par de très nombreux citoyens du monde, qui aspiraient à vivre l’avènement d’une « nouvelle Amérique », une Amérique qu’ils pouvaient, à nouveau, respecter et aimer. Il n’est pas un messie des temps modernes, il ne s’est d’ailleurs jamais présenté comme tel, comme il n’a jamais prétendu être le seul détenteur de la vérité.
Obama a simplement proposé au peuple américain une autre vision de la gestion de son pays, tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Pour ce qu’il a déjà prouvé, c’est un homme qui croit profondément en des valeurs fondamentales, telles que la démocratie, la justice, la solidarité, la liberté de pensée et de religion, la tolérance… Sur ce plan, il n’a pas déçu, même si les obstacles sont énormes et que les résultats concrets de ses actions se font encore attendre. Il a réussi à changer la vision de l’Amérique sur le monde et, par ricochet, la vision du monde sur l’Amérique. En politique intérieure, il a osé mener le difficile combat pour une société plus solidaire et mieux régulée, là où c’est nécessaire, notamment dans les domaines de la santé et du contrôle du très puissant monde financier. Il n’a pas encore réussi, ses adversaires étant tenaces, mais il ne baisse pas les bras. Nous espérons qu’il parviendra à faire passer son projet sur la réforme du système de santé et contribuera à une meilleure maîtrise du monde de la finance, responsable de la crise profonde qui touche tous les pays de la planète. Les sommes énormes que les États riches ont injectées dans le secteur bancaire, aux frais du contribuable, justifient amplement une telle approche, partagée d’ailleurs par les plus grands défenseurs du capitalisme à travers le monde. Quant à la politique étrangère, personne ne peut nier que le style ait changé, même si, dans ce domaine aussi, les résultats tardent à se concrétiser. Apprécions par exemple que, pour la première fois, l’administration américaine ait reconnu les effets nocifs des gaz à effet de serre, ce qui a permis, sans conteste, une avancée au sommet de Copenhague, bien qu’elle soit ténue.
Jusqu’à preuve du contraire, le candidat Obama n’a pas fait de fausses promesses. Mais sans doute a-t-il suscité trop d’espoirs d’un changement trop rapide. Rappelons aux déçus qu’il n’a jamais dit : « I can ! » Il a toujours soutenu : « Yes, we can ! » Qu’il ne perde pas la confiance de ceux qui l’ont élu sur cette base et que ceux-ci ne baissent pas les bras. Dans ce cas, tout sera du domaine du possible. Que les Américains, avec leur président, méditent ces sages paroles de Mandela : « Après avoir gravi une haute colline, tout ce qu’on découvre, c’est qu’il reste beaucoup d’autres collines à gravir. Je me suis arrêté un instant pour me reposer, pour contempler l’admirable paysage qui m’entoure, pour regarder derrière moi la longue route que j’ai parcourue. Mais je ne peux me reposer qu’un instant ; avec la liberté viennent les responsabilités, et je n’ose m’attarder car je ne suis pas arrivé au terme de mon long chemin. »
*Jacques Baudin est l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères
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