Le diamant de Harlem

Devenue une star en quelques mois et saluée par le tout-Hollywood pour son interprétation dans Precious, l’actrice d’origine sénégalaise Gabourey Sidibe défie toutes les convenances et toutes les règles. Portrait.

Gabourey Sidibe à Los Angeles, le 27 février. © Eyedea Presse

Gabourey Sidibe à Los Angeles, le 27 février. © Eyedea Presse

4442hr_-592×296-1473248825

Publié le 15 mars 2010 Lecture : 4 minutes.

C’est un conte de fées comme les aiment les Américains. Une jeune fille noire, obèse, étudiante en psychologie à la faculté de New York devient en quelques mois une star, devant qui se prosterne le tout-Hollywood et à qui Brad Pitt a adressé de chaleureuses félicitations en direct. Nominée aux Golden Globes, aux Bafta Awards et aux oscars pour son rôle dans Precious, de Lee Daniels, Gabourey Sidibe, 27 ans, est une actrice hors norme, qui défie toutes les convenances et toutes les règles.

Dans Precious, elle incarne une adolescente obèse, violée par son père et battue par sa mère, une jeune femme murée dans son malheur que la rencontre avec l’école va sauver. Tout le contraire de ce qu’est Gabourey dans la vie. La jeune femme a eu une enfance heureuse, au milieu de ses cinq frères et soeurs, dans le quartier de Harlem à New York. Son père, originaire de Dakar, est chauffeur de taxi. Sa mère, une ancienne éducatrice spécialisée, s’est lancée depuis quelques années dans la chanson et réussit plutôt bien.

la suite après cette publicité

Et même si ses parents ont divorcé quand elle avait 8 ans, elle n’en garde aucune animosité. « Si nous l’avons choisie, c’est justement parce qu’elle est aux antipodes du personnage de Precious. C’est un rôle de composition, et elle s’est comportée en véritable actrice. Elle n’a pas l’ambition d’être l’icône des Noirs américains issus des quartiers défavorisés », explique Sapphire, l’auteure de Push (Point-Seuil), le roman dont est adapté le film.

Ce qui fascine chez « Gaby », comme l’appellent ses proches, c’est son absence totale de complaisance et son étonnante confiance en elle. Elle est grosse, certes, mais n’hésite pas à  danser avec sensualité en arrivant sur le plateau de l’émission d’Ellen DeGeneres. Quand les actrices hollywoodiennes squelettiques multiplient les régimes les plus farfelus, Gabourey, elle, a décidé d’assumer son poids et d’en faire un atout. « Je n’ai jamais été mince et j’ai commencé les régimes à l’âge de 6 ans. Et puis, à 20 ans, j’ai décidé de m’accepter et de m’aimer telle que je suis, quoi qu’en disent les autres », confie-t-elle à Oprah Winfrey, reine des médias américains et coproductrice de Precious.

Comme une blanche de la haute

Quand les médias s’offusquent qu’elle n’apparaisse pas sur la une du très chic Vanity Fair, au côté de blondes et minces jeunes actrices, elle préfère en rire et se félicite déjà d’être dans les pages intérieures. Le rôle de victime ? Très peu pour elle. « Gabourey n’est jamais là où on l’attend. Elle parle comme une Blanche de la haute et s’assume tellement bien qu’on ne sait pas si elle est dans le déni ou si elle vient d’une autre planète », confie Lee Daniels. Gabourey ne s’étend pas non plus sur le racisme dont elle aurait pu être victime et confie que « le fait d’être noire n’a pas vraiment influé sur [sa] vie ».

la suite après cette publicité

Imprononçable

Gaby est déjà allée au Sénégal, dans la famille de son père. Elle y a découvert ses racines, mais, à la différence de beaucoup de stars africaines-américaines, elle est loin de verser dans un sentimentalisme béat vis-à-vis de l’Afrique. Seul complexe qu’elle reconnaît : son nom, imprononçable pour un Américain moyen. « C’est vrai que parfois j’aimerais bien m’appeler Marge Simpson ! » avoue-t-elle dans un grand éclat de rire. Gabourey Sidibe n’est le porte-étendard d’aucune cause et d’aucune communauté. Mais elle reconnaît que son histoire pourrait être une source d’inspiration pour de nombreuses femmes. « C’est la preuve qu’on peut ne pas être blanche et mince et accéder à la notoriété », dit-elle.

la suite après cette publicité

Depuis son triomphe dans Precious, pour lequel elle a reçu le prix d’interprétation féminine au festival de Sundance, Gabourey est la coqueluche des médias. Invitée sur les plateaux les plus prestigieux, elle y dégage une énergie incroyable. Drôle, légère, dotée d’un sens aigu de la repartie et d’un look très original, elle semble née pour être une star. En réalité, Gabourey n’avait jamais envisagé embrasser une carrière de comédienne.

Certes, elle avait fait un peu de théâtre au lycée mais n’avait à son répertoire que le rôle d’une Indienne dans une version amateur de Peter Pan. Elle est étudiante en psychologie et réceptionniste dans un hôtel quand une amie l’encourage à se présenter au casting de Precious. « Au départ, j’ai refusé d’y aller. Et puis finalement je m’y suis résolue, comme si une force supérieure m’y poussait », raconte-t-elle.

Depuis, elle a découvert une véritable vocation et se passionne pour son nouveau métier. Elle vient de tourner Yelling to the Sky, un film sous la direction de Victoria Mahoney, et le pilote d’une nouvelle série, The Big C, sur Showtime. Les producteurs de Precious, Oprah Winfrey et Tyler Perry, grand comique américain, sont ses plus grands fans. De bonnes fées qui devraient se pencher encore longtemps au-dessus du berceau de l’inclassable Gabourey.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires