Un FMI flambant neuf

Président du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre, conseiller économique de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.

Publié le 21 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Le FMI est-il en train de virer sa cuti ? On pourrait le penser, avec la publication coup sur coup de deux notes qui remettent en question certaines idées reçues.

Le premier article, signé par Olivier Blanchard, chef économiste du Fonds, et deux de ses collègues, éclaire d’un regard critique les politiques économiques menées avant la crise actuelle, avec des implications pour la gestion future. Est en particulier suggéré, avec la prudence qui s’impose, que les banques centrales relèvent leurs objectifs d’inflation. Si cet objectif, proche de 2 % par an dans les pays développés, était porté à 4 %, cela autoriserait des taux d’intérêt plus élevés quand tout va bien, et donnerait plus de marge aux banques centrales pour les réduire quand tout va mal. Si la politique monétaire pouvait être ainsi plus sollicitée, il y aurait moins besoin de faire appel à la politique budgétaire. Ce serait donc une manière de contenir l’explosion constatée, depuis 2008-2009, des dettes et des déficits publics dans de nombreux pays, et donc d’atténuer les défis de la sortie de crise.

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L’autre contribution, signée par six économistes du FMI, secoue encore plus directement l’un des dogmes de l’institution. Car elle souligne la pertinence, sous certaines conditions, du contrôle des entrées de capitaux par les pays émergents et les pays en développement. La recommandation vise avant tout les capitaux spéculatifs, qui viennent surévaluer le taux de change, alimenter des bulles financières ou immobilières, fragiliser le système bancaire, etc. Elle a, au fil des années, été mise en œuvre par différents pays (Chili, Colombie, Brésil, Thaïlande…) et ne vaut que si elle n’est pas suivie par tout le monde. Car, généralisé, le contrôle des entrées de capitaux signifierait guerre des changes et protectionnisme financier.

Une telle inflexion dans la doctrine du FMI a été rendue possible et nécessaire par la crise. Jusqu’à présent, le Fonds est le principal « vainqueur » des réunions du G20 en 2008-2009 : ses ressources ont été triplées, sa gouvernance rééquilibrée avec un poids accru pour les grands pays émergents, et il a été remis au centre du système monétaire et financier international. Mais il existe des contreparties indispensables. D’abord, le FMI doit être plus pragmatique, et les suggestions évoquées plus haut vont dans ce sens. Plus pragmatique, cela veut dire délaisser les recettes toutes faites, le « prêt-à-porter » en cas d’intervention pour un pays membre, et pratiquer le « sur-mesure » qui tienne compte des spécificités de chaque pays ou chaque région, des contraintes sociales et politiques autant que des objectifs économiques et financiers. Bien avant la crise actuelle, les critiques sévères de Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, à l’encontre du Fonds et dans une moindre mesure de la Banque mondiale avaient déjà provoqué un recul de l’esprit de système dans les opérations de ces organismes internationaux.

Ensuite, parce que le FMI est mis au centre de la gouvernance mondiale à peine ébauchée, il se doit d’être plus transparent, plus démocratique et plus à même de rendre des comptes sur ses interventions (en français, le mot responsabilité ne traduit pas bien le terme anglais accountability).

Enfin, le Fonds doit être plus équitable entre ses pays membres. J’attends avec curiosité la façon dont il va se préoccuper du déficit budgétaire américain, des excédents commerciaux de la Chine ou du Japon, et de la lancinante question de la volatilité du taux de change et des privilèges du dollar. Des défis qui, pour la plupart, existent depuis longtemps, mais ont été accentués par la crise actuelle. On ne pourra pas éternellement les esquiver…

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