Renaissance Capital, le retour

Crise financière oblige, la banque d’investissement, arrivée en fanfare en Afrique en 2007, a remisé une partie de ses folles ambitions. Mais sans perdre de sa vigueur.

L’oligarque russe Mikhaïl Prokhorov a sauvé le groupe de la banqueroute en 2008. © AFP

L’oligarque russe Mikhaïl Prokhorov a sauvé le groupe de la banqueroute en 2008. © AFP

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 19 mars 2010 Lecture : 4 minutes.

En inaugurant, fin février, ses activités en Afrique du Sud, Renaissance Capital, banque d’investissement active sur le continent depuis 2007, a prouvé à ceux qui avaient oublié jusqu’à son existence qu’elle est toujours vivante. « Au plan mondial, l’année 2009 a été très mauvaise pour toutes les banques d’investissement, souligne Quinn Martin, porte-parole de l’établissement. Mais en Afrique, nous avons conseillé un nombre important d’opérations financières de premier plan : la cession de la Camec [société minière qui exploite un gisement cuivre-cobalt au Katanga, NDLR] au groupe minier kazakh ENRC pour 955 millions de dollars, une levée de 105 millions de dollars pour African Minerals et une autre de 177 millions pour Sundance Resources [groupe minier australien présent dans le fer au Cameroun, NDLR]. » Une quinzaine d’opérations en tout, qui ont fait de Renaissance Capital l’une des banques d’investissement les plus actives sur le continent l’année dernière.

Créé en 1995 en Russie par le Néo-Zélandais Stephens Jennings (à la tête d’une fortune de 1,1 milliard de dollars, selon Forbes), le groupe financier en avait bien besoin, après plusieurs mois calamiteux. Fin 2008, en pleine crise financière, seule l’intervention de l’oligarque russe Mikhaïl Prokhorov, qui a injecté 500 millions de dollars dans Renaissance, lui avait permis d’éviter la banqueroute. En Afrique, ce séisme avait mis le holà au développement tonitruant du groupe démarré un an plus tôt. Inconnue du monde des affaires africain jusque-là, la banque avait alors réalisé en quelques mois des levées de fonds records – 600 millions de dollars pour deux banques nigérianes – et était montée de manière spectaculaire au capital d’Ecobank, au point d’en devenir le premier actionnaire.

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Bérézina managériale

Pour construire ses équipes africaines, Renaissance avait débauché à tour de bras, salaires mirobolants à l’appui ! Mais au casino financier, la roue tourne. La plupart des professionnels africains de premier plan que le groupe avait recrutés ont depuis quitté la maison. Parmi eux, le patron du courtage Amish Gupta ou le responsable du trading Afrique Andrew Onitri, qui ont claqué la porte quelques mois après leur arrivée. Plus endurants, le Nigérian Oyinkan Adewale, chief operating officer, et Matthew Pearson, qui dirigeait la recherche actions, seront restés près de trois ans… Une bérézina managériale couronnée ces derniers jours par le départ du Zimbabwéen Neil Harvey, flamboyant trader qui avait monté ex-nihilo les opérations africaines de Renaissance. « C’est une conséquence de la crise, un tiers des équipes ont été licenciées », justifie Quinn Martin. « Ils ont recruté à tout va, sans vraiment savoir où ils allaient », tempère un ex-employé. La crise a également mis un terme aux activités de l’African Advisory Board et de son équivalent au Nigeria, deux panels chargés de conseiller Renaissance, qui regroupaient plusieurs personnalités éminentes, dont Zéphirin Diabré, Ngozi Okonjo-Iweala, Kwesi Botchwey ou la baronne britannique Lynda Chalker…

Désormais, Renaissance Capital joue profil bas. Finie l’époque où les « cow-boys russes » se faisaient éjecter manu militari d’une assemblée générale du groupe Ecobank, oubliées les déclarations tonitruantes de Stephen Jennings sur les ambitions africaines, place au travail dans la discrétion. Les relations avec Ecobank se sont pacifiées. Aujourd’hui, les 80 employés pour l’Afrique (600 pour les activités russes) se répartissent entre Londres et les filiales sur le terrain : Lagos, Nairobi, Harare, Accra et Lusaka. La structure de direction a été resserrée autour d’Andy Lowe, le patron Afrique, Rotimi Oyekanmi, basé au Nigeria, Patrick Mweheire, au Kenya, Clifford Sacks en Afrique du Sud et, pour l’activité d’investissement, Robert Reid.

L’objectif est clair : se positionner comme un leader dans le courtage en Bourse mais aussi dans le conseil financier en fusion-acquisition ou en levée de fonds. En Bourse, Renaissance a fait son trou en rachetant des structures existantes : il est leader dans l’activité de courtage au Zimbabwe et en Zambie, numéro deux au Ghana et au Nigeria, numéro quatre au Kenya. Dans l’activité de conseil financier, force est de constater que Renaissance aligne les unes après les autres les opérations auprès des sociétés minières. « Nos activités en Afrique sont très profitables », ajoute Quinn Martin. Profitables, certes, mais pas aussi développées qu’initialement souhaité. « Ils voulaient devenir la première banque d’investissement en Afrique et ils n’y sont clairement pas parvenus, souligne cet ancien employé. Ils ne sont ainsi jamais intervenus sur les grosses opérations de dette souveraine même s’ils en avaient l’ambition. » Les grandes émissions obligataires des dernières années, réalisées par le Ghana et le Gabon, ou celles actuellement projetées en Angola, restent la chasse gardée des big players internationaux comme JP Morgan, Citigroup, Deutsche Bank ou Standard Chartered. Auprès du secteur privé, Renaissance semble également encore distancé par le sud-africain Standard Bank, qui s’appuie sur un vaste réseau bancaire présent dans plusieurs pays africains.

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Exit l’Afrique francophone

Résolument anglophone, la banque d’investissement a également fait une croix sur une autre de ses grandes ambitions : l’Afrique francophone. Fin 2007, Renaissance annonçait pourtant son intention d’y ouvrir plusieurs bureaux, d’abord à Abidjan puis, peut-être, à Douala. La banque avait même mis sur pied une minicellule dédiée au développement dans cette zone et composée d’Africains francophones. Moins d’un an plus tard, les plans sont annulés. « Ils en ont eu tellement, sans doute trop », s’amuse un concurrent. Exit la zone CFA. Renaissance préfère inaugurer ses activités en Afrique du Sud, un pays qu’il voulait d’abord éviter pour ne pas se mêler à l’âpre bataille entre les banques d’affaires internationales. Mais la stratégie a changé : en quelques années, le groupe a montré sa capacité à mettre sur pied des opérations de fusion-acquisition, à lever des fonds dans des pays dont certains investisseurs internationaux connaissent à peine l’existence. Les multinationales sud-africaines, qui voient l’Afrique comme leur terrain de jeu, auront certainement besoin d’un intermédiaire comme Renaissance pour sceller les opérations dans les mines, le pétrole, la finance et les télécoms. Connaissant une nouvelle vigueur, la banque d’investissement annonce même la couleur : elle devrait multiplier ses effectifs par six dans les années qui viennent. Et confirmer un nouveau départ… 

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