Vers une jurisprudence « Bébé Doc »
Cinq millions d’euros détournés par l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier et déposés dans des banques helvétiques vont sans doute être restitués à Haïti.
« Il est scandaleux que cet argent puisse rester dans des coffres en Suisse alors que les Haïtiens vivent une situation dramatique. » Gérald Bloncourt, le peintre, photographe et opposant haïtien ne décolère pas. L’objet de son courroux ? Les quelque 5 millions d’euros déposés dans des banques suisses par une fondation créée par la famille de l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier, alias Bébé Doc, en exil en France depuis 1986.
Le 12 janvier, à la veille du terrible séisme qui a ravagé Haïti, le tribunal fédéral de Lausanne a annulé une précédente décision de février 2009 ordonnant la restitution de ces fonds aux autorités haïtiennes, au motif que les détournements massifs reprochés au régime de Bébé Doc (1971-1986) se trouvent aujourd’hui prescrits.
Tempête politico-médiatique
Sans doute accueilli avec soulagement par les chefs d’État qui espèrent avoir « sanctuarisé » dans la Confédération helvétique leurs avoirs frauduleux, ce légalisme pointilleux n’en a pas moins suscité une belle tempête politique et médiatique. Sous la pression de plusieurs ONG, le Conseil fédéral a, au nom des « intérêts supérieurs » du pays, bloqué cette décision, qui, si elle était appliquée, reviendrait à remettre au clan Duvalier les fonds litigieux, comme ce fut le cas pour les familles de Ferdinand Marcos, Mobutu Sese Seko et Sani Abacha, les anciens dictateurs philippin, zaïrois et nigérian. Il s’est en outre engagé à saisir le Parlement d’un projet de loi visant à réformer d’ici à la fin de l’année « la restitution des avoirs illicites ».
Depuis son modeste appartement parisien, Bébé Doc, aujourd’hui ruiné après des années d’un dispendieux exil sur la Côte d’Azur, a demandé aux autorités suisses de « transférer immédiatement » les 5 millions d’euros litigieux à « la Croix-Rouge américaine ». « Encore de la démagogie, il offre de l’argent qui ne lui appartient pas », s’indigne Bloncourt, qui engagea naguère des poursuites pour faire juger Duvalier en France et n’a pas renoncé à dénoncer « l’asile de droit régalien » dont celui-ci continue de bénéficier.
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