Grosse claque en perspective

Les élections régionales des 14 et 21 mars se présentent sous de très, très mauvais auspices pour le parti majoritaire, dont le principal handicap, désormais, semble bien être… Nicolas Sarkozy lui-même.

Nicolas Sarkozy, avec Valérie Pécresse, tête de liste dans la région île de France © Ludivic Pool/Sipa

Nicolas Sarkozy, avec Valérie Pécresse, tête de liste dans la région île de France © Ludivic Pool/Sipa

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 13 mars 2010 Lecture : 6 minutes.

Le président français est de fort méchante humeur. Les sondages ne lui prédisent-ils pas une claque magistrale lors des élections régionales des 14 et 21 mars ? Alors il se démène. Ici pour trouver des commandes de navires pour les Chantiers de l’Atlantique, menacés de chômage technique. Là pour porter secours à la Vendée et à la Charente-Maritime, meurtries par la tempête Xynthia du 28 février.

Car Nicolas Sarkozy avait, au cours de l’été 2009, bâti une savante stratégie afin de récupérer quelques-unes des vingt – sur vingt-deux – présidences de région remportées par la gauche en 2004. D’abord, « nationaliser » le débat pour capitaliser sur son aura présidentielle et son dynamisme personnel. Ensuite, placer un maximum de ses ministres dans les listes – huit, au total ­ – pour démultiplier cette dynamique. Enfin, composer des listes d’union de la droite aussi larges que possible afin de marginaliser son aile droite, le Front national, et son aile gauche, le MoDem. Son ambition était de récolter au premier tour du scrutin entre 35 % et 40 % des suffrages. Et de creuser, au second, l’écart avec le Parti socialiste grâce à l’apport de voix du FN, du MoDem et même des Verts.

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Chiffons rouges

La campagne a démarré mollement, le 1er mars, mais, au vu des sondages, le tocsin a très vite sonné à l’Élysée, où l’on reconnaît à demi-mot que le plan de bataille n’a pas fonctionné et que la droite est en grand danger d’être battue à plate couture. Loin des espoirs du président, un sondage CSA faisait apparaître, ce même 1er mars, que seuls 29 % des intentions de vote allaient à l’UMP, contre 30 % au Parti socialiste. Un sondage Ifop était encore plus cruel : 27,5 % pour l’UMP et 31 % pour le PS. Quant au sondage Viavoice réalisé pour le quotidien Libération, il montrait que 57 % des personnes interrogées souhaitent une victoire de la gauche.

Dès le lendemain, Sarkozy a convoqué les têtes de liste UMP-Nouveau Centre en Île-de-France, où la zizanie règne au sein de la majorité. Étaient présents : André Santini, Rama Yade et Roger Karoutchi, les têtes de liste (dans l’ordre) dans les Hauts-de-Seine, Chantal Jouanno, numéro un à Paris, ou encore Nathalie Kosciusko-Morizet et Axel Poniatowski, respectivement têtes de liste dans l’Essonne et le Val-d’Oise. « Ne mettez pas votre drapeau dans la poche dès qu’il y a un mauvais sondage », leur a conseillé le président, avant de les appeler à parler à leurs électeurs de sujets de fond : le projet du Grand Paris, les transports, le futur métro circulaire… Il a apporté son plein soutien à Valérie Pécresse, la tête de liste régionale, qui doit, a-t-il dit, bénéficier d’un « rassemblement sans faille ».

Cette mobilisation devrait, dans les prochains jours, prendre un tour encore plus national. Au QG présidentiel de campagne, on parle de copier la technique gagnante de Barack Obama, qui avait été le premier à se servir massivement d’internet et des SMS pour mobiliser ses partisans. Et l’on agite beaucoup de « chiffons rouges » pour réveiller l’électeur : les hausses d’impôt imputées aux présidents de région socialistes, la burqa, les projets de vote des étrangers aux élections locales, l’insécurité, l’identité nationale…

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Le président entend ainsi reprendre à l’ennemi les trois régions qui semblent à la portée de l’UMP : le Centre, où il est allé soutenir Hervé Novelli, son secrétaire d’État chargé du Commerce ; la Champagne-Ardenne, où la campagne est conduite par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, le fort peu célèbre Jean-Luc Warsmann ; la Franche-Comté, enfin, que « laboure » le secrétaire d’État à la Coopération, Alain Joyandet, par ailleurs maire de Vesoul. Chez les sarkozystes eux-mêmes, le pronostic est réservé. « Ce n’est pas gagné ! » jugent les plus optimistes. « C’est plié ! » se lamentent les autres. Il est vrai que la droite a quelques raisons de broyer du noir.

Il y a d’abord la présence sur ses listes de nombreux candidats n’appartenant pas à l’UMP. Du coup, les militants ont tendance à se sentir exclus et ne mènent pas campagne de manière très vigoureuse pour ces personnalités « d’ouverture ». Ensuite, il y a le couac de l’affaire Ali Soumaré en Île-de-France. La tête de liste socialiste dans le Val-d’Oise a été faussement accusée par deux maires UMP de son département d’être « un délinquant multirécidiviste » sur la foi du casier judiciaire d’un… homonyme mineur. Outré par ce coup bas, le camp socialiste a riposté : le député Vincent Peillon a rendu publique une supposée condamnation (pour vol de voiture), en 1965, du ministre de la Relance, Patrick Devedjian.

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Leçon de modestie

Mais la vraie cause de la débandade de la droite s’appelle Nicolas Sarkozy. Dans les sondages, le président ne recueille plus que 41 % d’opinions positives, contre 57 % de négatives. Dans toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les tranches d’âge, il est désormais minoritaire. Ce désamour s’explique par la crise, dont 90 % des Français sont convaincus qu’elle est loin d’être finie, et par la montée du chômage, que tous constatent mais dont Sarkozy persiste à prédire la décrue.

La grogne des électeurs de la majorité se porte aussi bien sur la nomination de personnalités de gauche à la Cour des comptes (Didier Migaud) et au Conseil constitutionnel (Michel Charasse) que sur la double rémunération d’Henri Proglio, nouveau patron d’EDF et ami du président, ou sur la tentative de nommer Jean Sarkozy, son fils cadet, à la tête de l’aménageur de l’opération d’urbanisme de La Défense.

« On nous en dit de belles sur les marchés ou dans les réunions ! soupire un candidat UMP. Que le président est un diviseur avec son débat sur l’identité nationale ; qu’il ne fait rien pour stopper la désindustrialisation symbolisée par la fermeture de la raffinerie Total de Dunkerque ; ou encore que la gestion de la grippe A par le gouvernement a provoqué un beau gaspillage. » Et ne parlons pas de ceux qui, jugeant l’ego de leur président « surdimensionné », ne verraient aucun inconvénient à lui infliger, à mi-mandat, une leçon de modestie. Bref, Sarkozy est devenu un handicap pour son propre camp.

Nouveau look pour Aubry

Chez les socialistes, ce n’est pas encore l’euphorie, mais cela commence à y ressembler. Martine Aubry, la première secrétaire, change imperceptiblement de look vestimentaire et capillaire afin de ressembler à Angela Merkel, la chancelière allemande. En mieux, peut-être… Elle annonce « l’an I de la reconquête du pouvoir » et ne craint pas de parier sur un grand chelem aux régionales, c’est-à-dire sur la conquête des deux régions qui manquent au palmarès du PS : la Corse et l’Alsace.

Ne ratant aucune occasion de stigmatiser l’adversaire, elle apparaît comme la meilleure opposante, même si elle a commis un pas de clerc en acceptant le principe d’un report d’un an ou deux de l’âge de la retraite, avant de faire volte-face et de revenir au bon vieux dogme des 60 ans. Dans le combat fratricide qui l’oppose à Georges Frêche, le patron de la région Languedoc-Roussillon, qu’elle a fait définitivement exclure du PS pour avoir dit de son camarade Laurent Fabius qu’il avait une « tronche pas catholique », elle sait que son parti va y perdre une présidence de région. Mais elle y a gagné le respect de nombreux électeurs exaspérés par la tolérance longtemps manifestée par le parti à l’égard d’un homme qui dépasse régulièrement les bornes avec ses propos de très mauvais goût, voire carrément racistes. Le résultat des régionales l’aidera à décider si elle peut viser plus haut. C’est-à-dire l’élection présidentielle de 2012.

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