Al-Qaïda sème la zizanie
La libération du Français Pierre Camatte, enlevé au Mali et retenu par Al-Qaïda au Maghreb islamique, était conditionnée à la libération de quatre « militants » islamistes. Bamako a plié, ravivant les tensions avec l’Algérie et la Mauritanie qui jugent impardonnable la clémence de la justice malienne.
L’Algérie et la Mauritanie ont qualifié le procès de mascarade, avant de rappeler leurs ambassadeurs, pour la première fois depuis 1962. Pourtant, Moctar Ouane, le ministre malien des Affaires étrangères, l’affirme sans rire : c’est en toute indépendance que la justice malienne a, le 18 février, jugé et condamné les Algériens Mohamed Ben Ali et Tayeb Nail, ainsi que le Mauritanien Beib Ould Nafa et le Burkinabè Houdo Karifo. En clair, la clémence du verdict (les accusés ont pu quitter libres le tribunal) n’avait pas pour objectif de complaire à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), qui, en échange de la libération de l’otage français Pierre Camatte, exigeait celle de ses « quatre militants ».
Bref, rien ne va plus entre le Mali et ses voisins. Par médias interposés, Alger ne cesse de brocarder le président malien. Lequel ne se montre pas en reste : « Nos services ne dorment pas, et plusieurs Maliens sont morts pour la cause », explique-t-il. De fait, du 13 au 16 juin 2009, le colonel Lamana Ould Bou, qui sera ultérieurement assassiné à Tombouctou, a infligé de lourdes pertes à AQMI. En réponse, le 4 juillet à l’aube, vingt-six soldats maliens, parmi lesquels un colonel et un capitaine, ont été tués dans une embuscade. Patrouilles et ratissages se multiplient. C’est d’ailleurs au cours de l’un d’eux que les quatre salafistes ont été arrêtés, en avril 2009.
Coup de maître
Depuis 2005, les autorités maliennes auraient procédé à vingt-deux arrestations. Certains prévenus ont été extradés (vers la Libye et la Mauritanie), d’autres ont été acquittés, d’autres sont encore dans l’attente de leur jugement. Quatre jours après la libération de Camatte, Bamako a annoncé que trois suspects soupçonnés d’être impliqués dans l’enlèvement de l’otage français avaient été arrêtés. Par ailleurs, Ould Acheibany, recherché pour l’assassinat au Niger de quatre Saoudiens le 28 décembre 2009, est arrêté à Gao le 3 février. Un coup de maître qui ne suffit pas à apaiser Algériens et Mauritaniens.
Selon les spécialistes des deux pays, il n’y aurait jamais eu d’enlèvement dans la sous-région si AQMI ne disposait d’une « profondeur stratégique » – autrement dit, de bases – au Mali. Alger et Nouakchott soutiennent en outre que Bamako a refusé d’extrader des terroristes recherchés et les a, au contraire, libérés. « Qu’on nous montre la preuve d’une demande d’extradition ! » protestent les Maliens. À l’ambassade d’Algérie à Bamako, on soupire : « Nous n’avons même pas été autorisés à interroger les suspects, alors qu’ils font l’objet de poursuites en Algérie et que nos deux pays sont liés par une convention d’entraide judiciaire. »
Suspicions
L’affaire du « Boeing de la Coke », à Gao, en novembre 2009, a accru les suspicions contre Bamako et achevé de convaincre Algériens et Mauritaniens du bien-fondé de la thèse américaine sur le « narcoterrorisme ».
Plus grave encore, l’accord de paix conclu à Alger, le 4 juillet 2006, entre le gouvernement malien et les rebelles de l’Alliance démocratique pour le changement (ADC) se trouve à présent menacé. Composé de représentants des deux parties et d’un médiateur algérien, le comité de suivi est au bord de la paralysie. Sur instruction de leur gouvernement, les représentants algériens ont en effet annoncé le gel de leur participation. Tout se passe comme si Al-Qaïda avait atteint l’un de ses objectifs : semer la zizanie entre le Mali et ses voisins du Nord et de l’Ouest.
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