Du Césaire mal aimé

ProfilAuteur_TshitengeLubabu

Publié le 7 mars 2010 Lecture : 2 minutes.

David Alliot, spécialiste de l’œuvre d’Aimé Césaire, publiera prochainement sept poèmes du Martiniquais disparu en avril 2008. Parus entre 1948 et 1950 dans des revues marxistes, ils ont été qualifiés plus tard par Césaire de « poèmes de circonstance ». C’était, il est vrai, sa période communiste (1946-1956). Ces poèmes, qu’il a reniés, paraîtront dans une édition consacrée aux bibliophiles en 94 exemplaires, en dehors du circuit commercial. Quelques exemplaires seront néanmoins vendus, 400 euros l’unité.

Comme beaucoup, l’auteur du Cahier d’un retour au pays natal s’était, dans son engagement, laissé prendre au piège de la propagande soviétique. En témoigne La Voix de la Martinique, récit écrit par Césaire en 1953, à Moscou, peu après la mort de Staline. Un texte tout à la gloire du Géorgien et publié en russe. Le Petit Père des Peuples disparu, Césaire apprend toutes les horreurs du stalinisme. Et rompt bruyamment avec le PCF en 1956 en adressant une lettre demeurée célèbre à Maurice Thorez.

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Il faut reconnaître à Césaire une indépendance d’esprit en tant que créateur par rapport à l’esthétique du réalisme communiste, telle que préconisée par Louis Aragon. Ses camarades lui enjoignent d’abandonner l’écriture surréaliste, incompatible, d’après eux, avec le communisme. Aragon, tenant d’une poésie nationale, va jusqu’à fermer au Martiniquais les portes de la revue Les Lettres françaises et à interdire tout compte rendu de ses livres. La vision d’Aragon a les faveurs d’un autre poète communiste, l’Haïtien René Depestre, qui y voit un moyen de retrouver le réalisme de son pays. Mais, pour Césaire, « la dialectique d’une époque ne se ramène pas aux caprices, encore moins aux sautes d’humeur de quelque créateur privilégié ».

Donnant la leçon à Depestre, le Martiniquais parle de marronner, comme les anciens esclaves, plutôt que de suivre le diktat d’Aragon. La querelle Depestre-Césaire, restée célèbre, donnera ces beaux vers : « Et pour le reste/Que le poème tourne bien ou mal sur l’huile de ses gonds/Fous-t’en Depestre fous-t’en laisse dire Aragon ».

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