Des importateurs subsahariens riches et discrets

Malgré des comptes plombés par les crises, ces acteurs clés rebondissent. Et fondent encore des projets pour l’avenir.

Mustapha Tall, l’un des principaux entrepreneurs sénégalais © B.I.D

Mustapha Tall, l’un des principaux entrepreneurs sénégalais © B.I.D

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 9 mars 2010 Lecture : 2 minutes.

Sécurité alimentaire : des paroles aux actes
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Sécurité alimentaire : des paroles aux actes

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Mustapha Tall ne décolère pas : alors qu’il régnait en maître sur les importations de riz au Sénégal, avec 37 % de parts de marché et 270 000 tonnes de riz importées chaque année, il se retrouve aujourd’hui à la tête d’une société endettée qui n’importe plus « que » 100 000 tonnes à l’année. « La levée des subventions que l’État avait mises en place pour qu’on importe davantage, suivie de la chute des prix, nous ont tués ! » assure-t-il, alors qu’il est lui-même accusé de s’être enrichi pendant la crise : les importateurs sont soupçonnés d’avoir écoulé au moins 75 000 tonnes de riz subventionnées au prix fort sur les marchés voisins en empochant de gros bénéfices. « Ce sont des accusations gratuites et sans fondement ! » se défend ce neveu d’un commerçant de Kaolack chez qui il fait ses premières armes au début des années 1970.

Quel avenir pour Mustapha Tall SA ? Sollicité avec les autres importateurs dans la mise en place d’un cadre devant organiser la filière entre producteurs locaux et grossistes, le magna pourrait bien se retrouver collecteur et « commercialisateur » de riz made in Senegal. La pénurie de sucre que connaît le pays depuis plusieurs mois serait une autre opportunité, malgré une déconvenue en 2004 qui l’a conduit en prison pour deux mois : « On nous a sollicités pour venir en aide à la CSS (Compagnie sucrière sénégalaise, NDLR), nous préparons notre proposition. » De son côté, l’autre poids lourd du riz sénégalais, Bocar Samba Dièye, qui se disait au bord de la faillite il y a moins d’un an avec une dette de 17 milliards de F CFA (26 millions d’euros), clôt toute discussion : « Ça va, tout va bien ! » Circulez, il n’y a rien à voir.

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La discrétion, une valeur que partage le Libano-Ivoirien Ibrahim Ezzedine, pour qui le business ne faiblit pas. L’importance économique de son groupe, la SDTM-CI, ne cesse de croître en Côte d’Ivoire. Propriétaire d’une usine de pâtes alimentaires, d’une unité de conditionnement d’eau minérale, présent dans la manutention, le transit et le cacao (usinage et exportation), il est aujourd’hui le premier importateur de riz du pays, avec 70 % de parts de marché, devant Olam-Ivoire. Proche du pouvoir pour certains, stratège hors pair pour d’autres, il a su intégrer toutes les activités complémentaires comme la distribution et la logistique (entreposage, transport), tout en profitant de sa présence historique.

Vente à perte

Modibo Keita, quant à lui, doit regretter la pénurie de 2007, quand le gouvernement malien lançait « l’initiative riz », un programme de subventions comportant 9 milliards de F CFA d’exonérations de douanes. À la tête de Grand distributeur céréalier du Mali (GDCM), un groupe pesant 56 milliards de F CFA de chiffre d’affaires en 2008, celui qui se partage le marché avec Djigué SA, la Somakoff ou encore Bakoré Sylla, du Grand grenier du bonheur (GGB), voit ses perspectives assombries. Non seulement, le programme gouvernemental a provoqué l’arrivée de dizaines de nouveaux entrants opportunistes, mais, en outre, avec un volume national d’importation de riz de 500 000 tonnes en 2008 et en 2009 et une production locale en augmentation de 50 %, le Mali doit écouler un surplus qui atteint quelque 100 000 tonnes. L’opération n’est rentable pour aucun des nouveaux entrants, le riz se vend à perte, et le contexte devrait faire de la casse. GDCM pourra toujours compter sur ses juteux marchés publics, comme la fourniture de riz à l’armée malienne.

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