Le poulet, une espèce protégée

Après plusieurs années d’ouverture du secteur aux importations – dues à des motivations politiciennes inavouées selon certains – le gouvernement est revenu à une politique plus protectionniste. Conséquence : la production nationale est immédiatement repartie.

Un éleveur dans une ferme située à Agnibilékrou, au nord-est d’Abidjan © AFP

Un éleveur dans une ferme située à Agnibilékrou, au nord-est d’Abidjan © AFP

Publié le 9 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Sécurité alimentaire : des paroles aux actes
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Sécurité alimentaire : des paroles aux actes

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Au cours de la décennie, la filière avicole ivoirienne a évité le pire. En 2001, les importations de volailles « modernes », c’est-à-dire extra-africaines, sont de 2 212 tonnes et s’envolent à 15 392 tonnes en 2003. Dans le même temps, la production nationale de 9 669 tonnes en 2001 (contre 12 387 tonnes en 1997) dégringole à 7 538 tonnes en 2004.

À qui la faute ? Au contexte international, d’une certaine manière, avec l’adhésion du pays à l’Organisation mondiale du commerce, qui milite pour l’ouverture des marchés et contre le protectionnisme douanier. Mais également à l’abandon d’un système de protection national. « Les importations de poulets, de viande en général, étaient jusqu’en 2002 soumises à autorisation, pour des questions sanitaires. Du coup, une forme de régulation non officielle était pratiquée par les autorités, qui veillaient à ne pas nous étouffer », explique un professionnel du secteur. Le consensus est vite brisé. Pour certains, c’est la nécessité d’approvisionner le marché en protéines d’origine animale bon marché en période de crise sociopolitique aiguë qui l’explique. Pour d’autres, ce sont les alliances inavouées entre certaines autorités et les importateurs qui ont fait voler en éclats le système de protection.

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Protectionnisme maintenu

Une chose est sûre : la dégringolade de la production nationale met en danger toute une filière et ses 15 000 emplois directs : les éleveurs de volaille de chair et producteurs d’œufs individuels, les professionnels de l’accouvage, de l’abattage, du conditionnement des œufs de consommation et les fabricants d’aliments pour volaille. « De plus, il ne faut pas oublier qu’un poulet importé consommé, c’est un poulet local non consommé, c’est-à-dire du maïs non acheté aux agriculteurs nationaux, des tourteaux de coton ou de copra non consommés », relève Jean-Marie Ackah, patron de la Société ivoirienne de production animale (Sipra), leader ivoirien du marché.

Les membres de l’Interprofession avicole ivoirienne (Ipravi) se mettent en ordre de bataille. Ils dénoncent la « concurrence faussée » et mettent en lumière les subventions accordées, notamment par l’Union européenne, aux producteurs de poulets, mais également aux agriculteurs exploitant le maïs ou le soja, qui entrent dans l’alimentation des ovins. Les lignes bougent dès 2005, année où la loi de finances intègre une mesure transitoire. Le prélèvement compensatoire, une taxe sur le poulet importé, passe de 300 F CFA à 1 000 F CFA par kilogramme, réduisant significativement sa compétitivité.

Les effets sont immédiats. De 8 306 tonnes en 2006, la production locale passe à près de 20 000 tonnes en 2009, dernière année du dispositif transitoire de protection du marché. Le 31 décembre 2009, lors des états généraux de l’aviculture, Alphonse Douati, ministre de la Production animale et des Ressources halieutiques, a annoncé que les mesures de protection sont prolongées jusqu’en 2020. De leur côté, les professionnels du secteur promettent de créer 15 000 emplois supplémentaires et de réaliser 150 milliards de F CFA d’investissements pour améliorer la compétitivité de la filière. « Des vocations d’éleveurs naissent. Nous recevons tous les jours des candidats à l’aviculture. Ils viennent acheter des poussins d’un jour, mais aussi solliciter des plans de bâtiments d’élevage », confie Jean-Marie Ackah.

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Les défis sont en effet grands. D’ici à 2019, la Côte d’Ivoire, dont la population croît de 3,3 % par an et dont la population urbaine est de 48 %, aura des besoins de consommation de 30 000 tonnes en volaille. Le pays aura besoin de 47 000 tonnes d’œufs par an, pour une production actuelle de 26 000 tonnes. La maîtrise des prix est également un sujet d’inquiétude. Le prix du poulet de chair local est en effet passé de 1 800 F CFA en 2004 à 2 100 F CFA aujourd’hui. Or tous les acteurs du secteur, institutionnels ou privés, en sont conscients : la protection de la production nationale ne doit pas se faire au détriment du consommateur final.

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