Des promesses à confirmer
Deux ans après les émeutes de la faim, les aides massives, publiques et internationales, pour relancer la production n’ont pas encore tout réglé.
Sécurité alimentaire : des paroles aux actes
Au premier abord, la situation sénégalaise n’a guère évolué depuis les émeutes de la faim qui avaient secoué la capitale en mars 2008 et les promesses d’un pays autosuffisant d’ici à 2011. Les importations de riz ont en effet atteint 700 000 tonnes en 2009, contre 600 000 avant la crise. Dakar n’est pas la seule capitale à souffrir du même constat : selon la FAO, l’Afrique de l’Ouest, qui importait 6 millions de tonnes de riz – aliment de base dans une majorité de pays – en 2001, pourrait en importer 11 millions de tonnes en 2010, alors que les cours mondiaux plafonnent en moyenne 30 % au-dessus du niveau d’avant la crise. La situation n’est pas mieux au Maghreb, où les importations montent en flèche. Malgré une augmentation de 19,7 % des récoltes vivrières sur le continent pour la campagne 2008-2009, « l’Afrique ne pourra nourrir que la moitié de sa population d’ici à 2015 », prévoit la Banque africaine de développement (BAD).La question se pose : qu’ont réellement fait les pays depuis deux ans ? Surtout qu’à l’image de la BAD les bailleurs de fonds internationaux ont opéré un virage à 180°, hissant le développement agricole en priorité des priorités. Pour contribuer à assurer la sécurité alimentaire, la BAD a débloqué en 2008 près de 800 millions de dollars à court terme et 2,2 milliards à plus long terme.
L’État sénégalais, pour tenter d’endiguer sa dépendance aux importations et à la volatilité des prix, a massivement subventionné le riz importé (200 milliards de F CFA) et incité la production nationale à travers le plan Goana, la « Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance ». Les 345 milliards de F CFA réservés ont permis le financement des intrants (semences, engrais), de matériel (tracteurs…), d’équipements agricoles de récolte et de post-récolte… La production de riz a bien augmenté, avec 500 000 tonnes au lieu de 250 000, mais les infrastructures manquent encore.
« On estime que 40 % des produits agricoles sont perdus faute de stockage et de transport », précise Thierry Tanoh, vice-président Afrique subsaharienne de la Société financière internationale (IFC). Ainsi, la quantité produite n’est pas toujours le problème, et le manque de routes, de stockages, d’accès aux intrants et de coopératives pour collecter les récoltes ralentit l’accès à l’autosuffisance alimentaire.
Exportateurs brésiliens
Le constat est le même au Bénin. Malgré le Projet d’appui à la croissance économique rurale (le Pacer) lancé en 2008 avec 47,78 millions de dollars dédiés aux mêmes leviers que la Goana et avec l’objectif d’autosuffisance en 2011, le pays importe encore 40 % de sa consommation (contre 70 % auparavant).
En Côte d’Ivoire, « la situation est pire qu’avant, remarque ainsi Augustin Serikpa, président de l’association Protection des consommateurs pour mieux vivre. Le pays importe toujours 60 % de ses besoins alimentaires ». « Il ne suffit pas de produire, encore faut-il pouvoir accéder au marché », conclut-il. Le Projet de réhabilitation agricole et de réduction de la pauvreté, financé à hauteur de 25,63 millions de dollars par la BOAD, le Fida et l’État, doit répondre à cet enjeu.
Le revirement des bailleurs internationaux (financements massifs dans l’agriculture vivrière) a probablement été insufflé par un modèle qui commence à faire école, le Malawi. Alors qu’en 2005 il avait dû faire appel à de l’aide extérieure en important 400 000 tonnes de maïs pour lutter contre une famine qui menaçait 5 millions d’habitants (sur 12 millions), il est devenu, deux ans plus tard, exportateur net de céréales (321 000 tonnes de maïs exportées en 2007). En subventionnant 1,4 million d’agriculteurs et en allouant 14 % de son PIB au secteur agricole, le Malawi a fait passer la production de 1,6 million de tonnes à 3,6 millions tonnes, pour un investissement de 53 millions d’euros. En 2009, la croissance économique du Malawi a atteint 7 %, principalement grâce au dynamisme de son agriculture.
Politique volontariste
En outre, malgré l’augmentation des prix internationaux des engrais, obligeant le Malawi à débourser 110 millions d’euros, les protections douanières mises en place pour préserver sa production nationale ont permis au pays d’exporter pour 160 millions de dollars de maïs et d’apporter une aide en céréales à ses voisins en 2009. Depuis, le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie, entre autres, sont venus prendre exemple.
Si le recours massif aux fertilisants doit s’accompagner d’investissements à plus long terme sur les infrastructures, la recherche, ou encore la formation, le retour d’un État protecteur qui met le secteur agricole au cœur de sa politique est incontournable. Le cas malgache est un autre exemple : la révolution verte inspirée par l’ancien président Marc Ravalomanana a permis au pays, qui importait 100 000 tonnes de riz par an, d’atteindre l’équilibre grâce notamment à l’augmentation en un an et demi de 30 % de sa production…
Ces trente dernières années, la part des investissements dédiée au secteur agricole a chuté de 19 % à 5 %. Mais lors de la conférence de Maputo en 2008, les États africains se sont engagés à les relever à au moins 10 % de leur budget. Les solutions semblent donc à portée de main, mais les faits devront maintenant suivre les discours.
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