Eddy King

Caustique et tranchant, ce Français d’origine congolaise installé au Québec est un humoriste à surveiller de près. Son objectif : un premier one-man show cette année.

Ce Français d’origine congolaise parle avec humour de sujets qui dérangent © Jean-François Leblanc/Stockphoto pour JA

Ce Français d’origine congolaise parle avec humour de sujets qui dérangent © Jean-François Leblanc/Stockphoto pour JA

Publié le 5 mars 2010 Lecture : 5 minutes.

« Je suis originaire du pays d’Afrique le plus riche de cette planète, pour ses ressources naturelles, comme le diamant, ou encore pour sa faune et sa flore… Mais surtout pour sa culture extraordinaire et unique… Pourtant, la seule chose que l’humanité entière retient de mon pays d’origine, c’est cette merde ! » Apparaît alors sur scène un tableau représentant la couverture de la bande dessinée du Belge Hergé, Tintin au Congo… C’est ainsi, avec cet humour incisif, qu’Eddy King a conquis les 2 000 personnes du théâtre Saint-Denis de Montréal, en juillet dernier. Images à l’appui, la célèbre BD était passée au crible de son regard sans concessions, de la couleur noire exagérément foncée des Congolais à leurs lèvres disproportionnées en passant par leur langage trop exclusivement composé d’onomatopées. En quelques minutes, le temps d’un numéro réussi, le comique a convaincu l’assistance qu’il avait de l’avenir. Invité lors du gala Juste pour rire pour la seconde année consécutive par son ami l’humoriste Rachid Badouri, Eddy King n’a pas déçu. Une ovation sincère a salué sa performance.

Parler avec humour d’un sujet qui dérange, voilà le créneau de ce clown de 27 ans qui s’est retrouvé propulsé en moins de trois ans sur la scène médiatique. « Je veux faire réfléchir les gens. Je veux qu’ils sortent du spectacle en portant un regard différent sur le sujet que j’ai abordé. » Son aisance sur scène surprend quand on connaît le jeune homme discret au regard d’enfant qui raconte presque timidement son histoire.

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Tee-shirt sombre, jeans, baskets, rien a priori ne distingue Eddy King des garçons de son âge. Malgré son ascension fulgurante, il semble très serein. Plus serein en tout cas que son manager, Steve Rasier, président du groupe événementiel Fides & Jireh, qui veille à ce que son poulain réussisse son entretien avec la journaliste : « Une des qualités d’Eddy, c’est l’humilité. Mais dans ce milieu il faut savoir se vendre. Cela vient avec l’expérience, et il aura le temps de l’apprendre. » Le manager reconnaît la force mentale et l’assurance professionnelle de sa nouvelle recrue. Il confie néanmoins une certaine inquiétude : « On se demande s’il a conscience qu’il va jouer dans la cour des grands. Cette force est parfois frustrante car on ne sait pas s’il est content de ce qui lui arrive. »

Il faut dire que la scène n’est pas un lieu inconnu pour Eddy King. Avant d’amuser les foules, le jeune Congolais s’était déjà taillé une place de choix sur la scène hip-hop de Montréal avec son groupe Dögone Tribe. Accompagné de son ami d’enfance, Peeps, il s’est imposé en faisant les premières parties de groupes tels le Saian Supa Crew, Ärsenik ou encore Busta Flex. En 2004, Dögone Tribe a remporté le prix du meilleur groupe rap dans le cadre du festival Hip Hop 4ever. L’ancien rappeur aime bien comparer sa carrière dans la musique à une « première épouse ». Il finit par avouer : « J’ai commencé à m’intéresser à l’humour comme on s’intéresse à une autre femme, du coin de l’œil. » Autre point commun entre ses deux carrières : la volonté de transmettre un message. « Comme dans le rap, je trouve qu’il y a quelque chose de très revendicateur dans le stand-up, on peut faire passer un message. C’est instinctif chez moi, j’aime faire réagir. Depuis l’enfance. »

Eddy King est né le 14 décembre 1982, à Goussainville (banlieue parisienne), de parents congolais (Kinshasa). En 1995, alors âgé de 13 ans, il a suivi sa mère qui avait décidé de quitter la France pour refaire sa vie à Montréal, une ville visitée quelques années auparavant. Arrivé dans la Belle Province, il a commencé à écrire des textes de rap. Son groupe Dögone Tribe est né en 2000.

Après quelques scènes, l’aisance d’Eddy et sa facilité à animer les foules font mouche. On lui propose une chronique sur les cultures urbaines dans l’émission Réalité urbaine diffusée par la radio communautaire Radio Centre-Ville. Eddy cultive son âme d’animateur en présentant plusieurs événements musicaux au club montréalais Kola Note.

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Dans la vie de tous les jours, outre son travail au centre d’appels de Rogers – l’un des plus grands fournisseurs de téléphonie au Canada –, Eddy se consacre aussi aux jeunes de son arrondissement, Côte-des-Neiges, qui compte parmi les plus pauvres de Montréal. « Je me suis toujours impliqué, notamment comme animateur dans les camps de jeunes et dans la petite police », un programme qui consistait à tisser des liens entre les jeunes et la police municipale.

Son engouement pour le stand-up naît en 2004. Il décide alors de se lancer et tente sa chance à l’École nationale de l’humour. Il n’est pas retenu aux auditions. Il se remet alors à la musique sans pour autant renoncer à son nouveau défi. Il ne fait pas de plan de carrière : « Les choses arriveront comme elles doivent arriver. » Il se plonge dans le livre de référence des humoristes anglophones, The Comedy Bible de Judy Carter, et décide d’écrire quelques textes pour les présenter dans des bars ouverts aux jeunes comiques. Une de ses cartes maîtresses, c’est son aptitude à faire rire en français comme en anglais. Il y prend goût.

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Lors d’une soirée au pub Le Saint-Ciboire, en 2007, il fait la connaissance du producteur Junior Girardeau, qui s’occupe alors du concours comique québécois La Relève Juste pour rire. Eddy se produit alors dans les soirées d’humour à travers le Québec : au Cabaret Juste pour rire, au pub Jacques Cartier, au Cabaret de Granby, au Dallas, à l’Authentique de sainte Julie… Il adapte ses sketchs pour le public anglophone du Comedy Works de Montréal et du Calorie de Pointe Claire. En mai de la même année, il participe au concours de La Relève et en ressort « Coup de cœur ». Un an plus tard, à l’été 2008, il se présente au concours « En route vers mon premier gala » et termine finaliste. Un mois plus tard, Rachid Badouri lui offre pour la première fois une large médiatisation. Bien mieux qu’une audition à l’école de l’humour…

Le plus dur reste néanmoins à faire : concrétiser. Eddy King en a conscience. Il « rôde » actuellement son matériel pour son premier one-man show, prévu avant la fin de cette année. « J’ai eu de la chance que les choses soient allées si vite pour moi, mais beaucoup reste à faire. Je dois me concentrer, m’améliorer et acquérir de l’expérience. » Sa maison de production a réussi, par l’entremise de Juste pour rire, à l’associer à l’un des metteurs en scène les plus réputés de l’humour anglophone, Andy Neuman. Originaire de Montréal, l’homme a déjà mis en scène les acteurs américains Whoopi Goldberg et Jerry Seinfeld. Eddy est confiant. « Je fais le métier que j’aime, je ne le fais pas pour devenir une vedette internationale, je veux simplement faire rire les gens. » Une généreuse intention qui ne lui fait pas oublier qu’avec un tel début de parcours la barre est haute.

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