Iran : Khomeiny contre Khamenei

La famille et les alliés du fondateur de la République islamique ont pris fait et cause pour les réformateurs, qui se posent comme les vrais héritiers de l’ayatollah disparu.

Hassan Khomeiny au côté du Guide suprême Ali Khamenei le 26 décembre 2009 © Sipa

Hassan Khomeiny au côté du Guide suprême Ali Khamenei le 26 décembre 2009 © Sipa

Publié le 4 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Suprême ironie du sort : lors de la célébration du 31e anniversaire de la révolution iranienne, les conservateurs au pouvoir ont commencé à reprocher aux proches et aux membres de la famille de Ruhollah Khomeiny, fondateur de la République islamique, de frayer avec une opposition dont l’objectif, disent-ils, est un changement de régime.

Hassan Khomeiny, 38 ans, petit-fils du leader défunt, passe en effet désormais pour un allié tranquille mais opiniâtre de l’opposition, regroupée au sein du Mouvement vert. Il a soutenu Mir Hossein Moussavi, le candidat réformateur, lors de la présidentielle de juin dernier et refusé d’assister à la prestation de serment du vainqueur proclamé du scrutin, Mahmoud Ahmadinejad. Au début de février, il avait accompagné ce dernier au mausolée où repose son grand-père, mais s’était éclipsé dès le début du discours du président pour aller rendre visite à la famille d’Alireza Beheshti, un allié de Moussavi actuellement détenu. Un cliché montrant le descendant de l’ayatollah tenant sur ses genoux les deux filles de Beheshti a même fait le tour des nouveaux sites internet iraniens.

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Crise de légitimité

L’anniversaire de la Révolution est traditionnellement l’occasion pour le régime d’encourager le peuple à descendre dans la rue pour célébrer la chute du shah Mohamed Reza Pahlavi et la naissance de la République islamique, en 1979. Cette année, l’opposition a profité de l’événement pour organiser des marches de protestation. Les pourfendeurs du régime contournent l’interdiction de manifester en utilisant des événements officiels pour servir leurs propres desseins.

Aux prises avec une crise de légitimité sans précédent, le régime essaye de récupérer l’image de l’ayatollah Khomeiny, mort en 1989. Mais son petit-fils s’est insurgé contre tous ceux qui prétendent que le fondateur de la République islamique se serait aujourd’hui rangé aux côtés de l’actuel pouvoir. Quand la chaîne de télévision publique a laissé entendre, en s’appuyant sur des extraits soigneusement choisis de ses discours, qu’il aurait condamné le Mouvement vert, Hassan Khomeiny a aussitôt protesté : « Il est regrettable que vous vous laissiez aller à distordre et à exagérer des événements passés sans les replacer dans leur contexte », écrit-il, dans l’une de ses rares lettres ouvertes, à Ezzatollah Zarghami, patron de la télévision d’État. Ce dernier, nommé personnellement par l’ayatollah Khamenei, le Guide suprême, s’est fendu d’une réponse acerbe dans laquelle il critique durement Hassan Khomeiny et se demande pourquoi il n’a pas condamné « les actions scandaleuses » de l’opposition depuis l’élection présidentielle.

De son côté, Hossein Shariatmadari, directeur du quotidien Kayhan, organe des conservateurs, accuse le petit-fils de l’ayatollah d’avoir fraternisé avec des leaders de l’opposition, liés, prétend-il, aux services de renseignements américains, britanniques et israéliens.

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Deux écoles rivales

Les attaques lancées par les alliés du Guide suprême contre le descendant de l’ayatollah révèlent une fracture entre deux écoles rivales que l’on pourrait appeler le khomeinisme et le khameneisme. Les partisans de la première insistent sur le fait que l’ayatollah Khomeiny avait la conviction que le régime tire sa légitimité des urnes, tandis que les alliés de Khamenei estiment que celle-ci émane de Dieu seul, qui désigne indirectement le Guide suprême.

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Les deux camps se posent comme les vrais dépositaires de l’héritage de Khomeiny, les conservateurs soutenant que les antécédents révolutionnaires ne confèrent aucun privilège particulier. Conséquence : de nombreux alliés du leader disparu sont aujourd’hui politiquement isolés ou en prison. Moussavi lui-même était si proche de Khomeiny, dont il fut le Premier ministre, qu’on le considérait comme son fils. Mais les réformateurs ne désarment pas et encouragent leurs partisans à rappeler aux dirigeants actuels la promesse qu’avait faite Khomeiny : débarrasser le pays de la dictature.

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