Profession négociateur d’otages
Des consultants en kidnapping expliquent les ficelles de leur très discret mais très lucratif business.
Donald Palmer est un homme tranquille. Depuis dix-huit ans, il exerce pourtant un métier dangereux : négociateur d’otages. Il gagne sa vie en marchandant la libération de personnes kidnappées. Palmer, qui a fait ses armes dans le renseignement en Irlande du Nord, n’en est pas peu fier : aucun de ses « clients » n’a perdu la vie au cours de sa détention. « Négocier une rançon est toujours la meilleure solution, explique-t-il. Nous n’employons la force qu’en dernier recours. »
À l’heure où les pirates somaliens mènent une campagne de terreur dans la corne de l’Afrique et où des gangs ultraviolents s’attaquent aux riches familles mexicaines, la demande n’a jamais été aussi forte. En constante augmentation, le nombre des enlèvements avoisinait 15 000 en 2008.
À en croire Armand Gadoury, de chez Clayton Consultants, une société américaine spécialisée, les compagnies d’assurances s’efforcent d’obtenir leur part du gâteau en proposant des polices spéciales dites « K & R », pour « kidnapping et rançon ». La première fut contractée en 1932 après l’enlèvement et le meurtre du fils de l’aviateur Charles Lindbergh, mais le marché n’a véritablement décollé qu’au début des années 1980, après une vague d’enlèvements en Colombie. L’Institut international des assurances évalue le montant total des primes versées à 300 millions de dollars par an.
« Distributeurs de billets »
Les consultants rechignent à dévoiler les détails des transactions et n’ont pas apprécié que le montant des sommes versées à certains pirates somaliens ait été rendu public. La plupart des sociétés travaillant dans des pays à risques contractent en effet des assurances en faveur de leurs salariés, mais ne le disent pas de crainte de mettre leurs vies en danger. À une époque, les employés des firmes pétrolières et gazières au Nigeria avaient hérité d’un surnom évocateur : « distributeurs de billets »…
En règle générale, les consultants ne parlent pas directement aux kidnappeurs, mais se rendent néanmoins sur le terrain pour communiquer avec les employeurs et les familles des victimes. Leur tâche prioritaire : rapporter des « preuves de vie ». Ensuite, ils s’efforcent de faire baisser le prix de la rançon, pour le cas où une seconde serait réclamée, mais « sans donner l’impression d’avoir pour seul objectif de limiter leurs dépenses », explique Palmer. Certains négociateurs vont plus loin. Des agents de Clayton ont ainsi été présents jusqu’à la phase ultime des négociations avec des pirates somaliens. « Nous nous sommes retrouvés en tête à tête avec eux, raconte Gadoury. Notre homme a personnellement procédé à une remise d’argent. »
Policiers et gendarmes ont fini par comprendre que, pour sauver la vie d’un otage, une bonne négociation est souvent plus efficace qu’un assaut des forces de sécurité. Un enlèvement dure, en moyenne, entre deux et trois mois. Seules 3 % des personnes kidnappées sont tuées. « Il est bien plus difficile de négocier avec des kidnappeurs qui ont des revendications politiques, même si l’argent fait souvent partie de leurs motivations », confie un autre consultant.
Il n’y aurait à travers le monde qu’une trentaine de consultants en enlèvement disposant de plus de dix ans d’expérience. Donald Palmer est convaincu qu’ils ont à peu près tous le même profil : « Nous montrons de la compassion et nous croyons en ce que nous faisons. Mais évidemment, ça paie bien ! »
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