Tango fatal à Buenos Aires
Le couple présidentiel au centre d’un invraisemblable imbroglio juridico-politico-financier.
Victime d’un malaise, l’ancien président argentin Néstor Kirchner a subi une opération de la carotide le 7 février. À sa sortie de l’hôpital, trois jours plus tard, son chirurgien a estimé que le stress avait joué « un rôle significatif » dans cet accident vasculaire. On peut le comprendre. Depuis le 7 janvier, Néstor et Cristina, son épouse et actuelle chef de l’État, sont emportés par un véritable vent de folie, tandis que l’Argentine plonge dans une grave crise constitutionnelle, politique et financière.
Ce jour-là, Cristina croit résoudre un dilemme. Faut-il ralentir les dépenses publiques, qui progressent au rythme de 30 %, quand les recettes, elles, ne progressent que de 20 % ? Faut-il, au contraire, commencer à rembourser les 18 milliards de dollars que l’Argentine doit à ses créanciers internationaux ? La présidente tranche : pas de remboursement, mais pas non plus de nouveaux prêts. Dans la foulée, elle signe un décret contraignant la Banque centrale à verser au Trésor 6,5 milliards de dollars. Refus de Martín Redrado, le président de l’institution, qui rétorque que lesdites réserves ont pour vocation d’assurer la stabilité du peso et non l’équilibre du budget national. Il est viré séance tenante.
Tragicomédie
S’ensuit un imbroglio tragicomique. Redrado refuse d’abord de partir, tandis qu’une juge annule son licenciement et le transfert des milliards. Cela ne dissuade pas Néstor Kirchner, à la tête d’une escouade de policiers, d’empêcher Redrado de pénétrer dans les locaux de la banque. De son côté, le vice-président Julio Cobos donne tort à Cristina, à qui il reproche de n’avoir pas d’abord saisi le Parlement ; celle-ci réplique en l’accusant de trahison. Quant à la Réserve fédérale américaine, elle gèle les comptes de la Banque centrale argentine… Une commission parlementaire finit par accepter le départ de Redrado, qui démissionne le 2 février. Sa remplaçante, une fidèle du parti péroniste, s’empresse de déclarer que la mission de la Banque centrale est aussi d’assurer la croissance économique, mais, pour l’heure, la justice l’empêche de donner satisfaction à la présidente.
Redrado décide alors de se venger en communiquant à la presse une liste de « personnes au pouvoir qui ont acheté des dollars » en 2008, au moment où le taux de change était le plus favorable. Premier visé : Néstor Kirchner, qui a dû reconnaître avoir acquis 2 millions de dollars pour investir dans un hôtel de luxe dans la province de Santa Cruz, dont sa femme et lui furent l’un gouverneur, l’autre sénatrice.
Les députés de l’opposition déposent alors une plainte contre le couple présidentiel pour « enrichissement illicite fondé sur des informations privilégiées ». Ils rappellent que la fortune des Kirchner a triplé depuis l’accession de Néstor à la magistrature suprême, en 2003. Cristina dénonce quant à elle une « conspiration pour faire échouer le règlement de [la] dette et pour imposer une politique de la faim ».
Fonds vautours
Personne en Argentine ne souhaite que cette pantalonnade débouche sur la destitution de la présidente, tant l’économie est mal en point. Cristina Kirchner est pourtant loin d’être irréprochable. A-t-elle choisi de continuer à dépenser à tout-va pour remonter dans les sondages après sa défaite aux législatives de 2009 ? Elle n’a réussi qu’à attirer l’attention sur sa gestion peu raisonnable. Désirait-elle rentrer en grâce auprès des investisseurs internationaux ? Elle les a confortés dans le sentiment que l’Argentine est décidément incorrigible. Voulait-elle bénéficier de prêts à des taux enfin raisonnables ? Elle n’a réussi qu’à rameuter les créanciers de son pays, qui ont tenté de faire saisir une partie des 6,5 milliards de dollars annoncés et pourraient passer la main aux « fonds vautours » pour faire rendre gorge à l’Argentine. Un flop magistral qui explique amplement l’accident vasculaire de Néstor…
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