Maladies infantiles
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 28 février 2010 Lecture : 2 minutes.
D’Abidjan à Nairobi, de Lomé à Conakry, quelques-uns des piliers de la bonne gouvernance, ce kit de survie de la démocratie à l’usage des nuls (africains), élaboré par les bailleurs de leçons, sont en train de vaciller. Ainsi en va-t-il des gouvernements d’union nationale, présentés comme la panacée pour préparer dans l’ordre et le consensus des élections incontestées. On sait que ce type de cabinets de cohabitation ne fonctionne déjà pas dans les vieilles démocraties comme la France, où ils sont considérés comme des pis-aller synonymes de paralysie. Imposés, de surcroît, depuis l’extérieur, ils sont sur le continent de véritables chaudrons où bouillonnent grands et petits complots. Kenya, Zimbabwe, Côte d’Ivoire, Guinée : le seul terrain d’entente entre les ministres de ces improbables coalitions réside dans l’accès commun à la mangeoire nationale. Pour leur propre compte et celui de leurs chefs respectifs, représentants du pouvoir et de l’opposition décaissent et encaissent allègrement, ainsi que le démontrent à l’envi les exemples de la filière café-cacao en Côte d’Ivoire et de la filière céréalière au Kenya, toutes deux consciencieusement siphonnées des deux bords.
Autre pilier en voie d’effritement : les commissions électorales dites indépendantes. Où le sont-elles réellement ? Contrôlés le plus souvent en sous-main par les présidences, mais aussi parfois, comme on le voit en Côte d’Ivoire, par les oppositions, ces organismes budgétivores, dont le parc automobile n’a d’égal que le montant des per diem que se partagent leurs heureux membres, n’ont guère plus de crédibilité que les ministères de l’Intérieur qu’ils sont censés remplacer. Même constat pour les fameux observateurs internationaux, honnêtes parfois, biaisés souvent, myopes toujours, mais dont les rapports – au besoin contradictoires – continuent de servir d’unique label pour juger de la validité d’une élection, quitte un peu plus tard, lorsque leurs conclusions déplaisent, à n’en tenir aucun compte. Idem enfin pour cet ingrédient indispensable à toute alternance qu’est une opposition responsable – c’est-à-dire, dans la plupart des cas, unie face au pouvoir. Congo, Gabon hier, Togo, Guinée, Centrafrique, Côte d’Ivoire aujourd’hui. Partout, la détestation du chef de l’État en place pèse de peu de poids face au choc des ego de ses challengers, et si chacun se déclare en faveur d’une candidature unique, il va de soi qu’il s’agit de la sienne. Au contact des réalités africaines, les vertueux principes élaborés par les docteurs ès gouvernance ressemblent à autant de maladies infantiles de la démocratie. Il serait temps de se demander s’il n’y a pas eu erreur dans les prescriptions.
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