Mohammed Harbi : « Il faudra beaucoup de temps pour qu’on avance »

Historien algérien

Renaud de Rochebrune

Publié le 1 mars 2010 Lecture : 2 minutes.

Algérie-France : la déchirure
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Algérie-France : la déchirure

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Jeune Afrique : Comment expliquer qu’il soit si difficile de solder le passé entre la France et l’Algérie ?

Mohammed Harbi : Cela vient de loin. Après l’indépendance, les Algériens ont considéré les accords d’Évian comme caducs sur certains points. Ils les ont révisés petit à petit de facto. Mais ces accords n’ont jamais été réexaminés de concert et globalement par les deux pays une fois la décolonisation devenue réalité. Et on ne s’est pas interrogé sur la nécessité de définir une politique mémorielle. On ne pouvait donc que se diriger vers un conflit permanent. Les Algériens ont adopté une position victimaire. Et les Français, notamment en raison de l’activisme des groupes de pression pieds-noirs, ont voulu qu’on continue à considérer le passé comme si rien n’avait changé. Beaucoup de pieds-noirs, d’ailleurs, semblent toujours ne pas être sortis de la guerre.

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Il y a cependant eu des discussions autour d’un traité d’amitié pendant plusieurs années jusqu’en 2005. Il serait intéressant de savoir de quoi on a débattu et sur quoi on a achoppé alors — avant que la fameuse loi sur les bienfaits de la colonisation ne précipite la crise. Le point crucial était-il celui de la double nationalité, comme l’ont laissé entendre certains ?

Les demandes de l’Algérie – repentance, reconnaissance de crimes de guerre – sont-elles légitimes ?

Cette histoire de repentance a d’abord été mise en avant ici et là à propos de la Shoah. L’Algérie a décidé de reprendre ce thème à son compte. Mais la vraie question n’est pas celle-là. L’essentiel, c’est la responsabilité historique de l’État français par rapport à la colonisation. Et les Français se montrent très rigides à ce sujet. Ils se sont par exemple excusés pour la terrible répression à Madagascar, par la voix de Jacques Chirac. Mais jamais pour les souffrances des Algériens. Il y aurait certainement moins de crispation entre les deux pays si la France reconnaissait simplement cette responsabilité historique. La réconciliation est à ce prix.

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Que faire pour en finir avec cette situation entre les deux pays ?

Il faut faire une distinction entre ce qui a trait aux États et ce qui concerne les sociétés civiles. Du côté des États, il faudra beaucoup de temps pour qu’on avance. La situation, manifestement, n’est pas encore mûre. Du côté de la société civile, en revanche, beaucoup a déjà été fait et cela devrait continuer, ce qui aidera petit à petit à dépasser le contentieux né de la guerre. Quand Mme de Bollardière, la veuve du général, anime une association d’anciens appelés français qui consacrent leur retraite de combattant à financer des projets en Algérie, c’est remarquable et remarqué. Et il y a eu bien d’autres exemples, notamment des livres et des colloques regroupant des historiens des deux pays. Même si, hélas, certains historiens algériens hésitent encore parfois à officialiser ces initiatives en « oubliant » de livrer le texte de leurs interventions pour publication.

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