Toutankhamon et le mépris de la science
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 22 février 2010 Lecture : 2 minutes.
Il a fallu trente siècles pour qu’enfin, le 17 février, l’ADN parle, et que son analyse éclaircisse quelques-uns des mystères qui entouraient la momie du pharaon Toutankhamon. S’il est bien le fils d’Akhenaton (qui créa le culte du dieu unique Aton), il n’est pas, en revanche, celui de la sublime Néfertiti, et serait peut-être le fruit d’une union incestueuse. Toutankhamon est mort à 19 ans, rongé par l’arthrose et le paludisme. L’on sait désormais qu’il n’était pas androgyne, comme ses portraits le laissaient supposer. C’est Zahi Hawass, le flamboyant chef du Conseil suprême des antiquités égyptiennes, qui l’a lui-même annoncé au cours d’une conférence de presse au Caire.
Cet homme, écrit un confrère, est « détesté par nombre d’archéologues européens ». Et pourquoi donc ? Hawass ferait, selon ces éminents savants, de l’« archéologie spectacle » parce qu’il convoque les médias pour parler de son travail. Il serait en outre « mégalo » et « avide d’honneurs ». Donc méprisable.
Mais en quoi son caractère est-il de nature à disqualifier ses travaux ? La vérité est ailleurs. Ce qui dérange, c’est cette volonté affichée par l’Égypte de décider souverainement du sort de ses momies et d’exiger que son patrimoine jadis pillé par les puissances étrangères lui soit restitué. Cette arrogance des nantis, qui veillent jalousement sur leur propre patrimoine et croient être les seuls détenteurs du savoir, rappelle les malheurs de l’égyptologue sénégalais Cheikh Anta Diop. Pour avoir établi l’antériorité des civilisations noires et démontré que l’Égypte pharaonique était nègre, il fut traité comme un pestiféré, raillé, traîné dans la fange de la condescendance par les africanistes du Nord. Sa parole méritait le bûcher, rien de moins. Ces sommités ne pouvaient admettre l’idée d’une quelconque négritude dans l’édification de l’une des plus vieilles civilisations de l’humanité. Pourquoi se montrer si véhément ? Par amour de la science ? Ou par refus de croire que l’Autre peut s’élever ? Mais raciste, évidemment, personne ne l’est…
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