D’Oslo à Ramallah
Avec lucidité et humour, mais aussi amertume, Akram Musallam décrit le quotidien palestinien.
Dans un dancing de Ramallah, un Palestinien rencontre une Française qui porte un tatouage en forme de scorpion. Celui-ci va hanter les rêves et les pensées du jeune homme, et fournir à l’auteur une métaphore de la réalité palestinienne. Dans ce deuxième roman très maîtrisé, on est marqué par le ton, à la fois lucide et amer, de l’auteur. Par son humour et son autodérision aussi, qui ne vont pas sans rappeler ceux des films d’Elia Suleiman.
Dans L’Histoire du scorpion qui ruisselait de sueur, Akram Musallam explore la question du corps (le père du narrateur, qui a perdu une jambe à cause d’un clou rouillé, est obsédé par son membre manquant), car, pour lui, « le corps est un objet de conflit idéologique, une matière façonnée par la domination ». Le roman est l’occasion de dénoncer la situation issue des accords d’Oslo, l’occupation israélienne et l’incurie de l’Autorité palestinienne.
« Le plus grave, c’est l’étouffement perpétuel par Israël de l’espace palestinien. Dans le roman, précise Musallam, le narrateur a une relation angoissée aux lieux. C’est le cœur du sujet. Il est comme suspendu dans le vide. À Ramallah et dans le reste des territoires occupés, le développement de la vie personnelle et sociale est conditionné par l’occupant. » Ramallah, « ville paresseuse remplie de dos-d’âne : sur les routes, dans la vie, dans les esprits », est un personnage à part entière. L’auteur y vit depuis vingt ans. « J’aime cette ville. Comparée aux villes palestiniennes traditionnelles, elle reste ouverte à toutes les religions et à tous les parcours identitaires. Je pense qu’elle a une importance particulière pour la reconstruction d’un projet palestinien. »
Pas de romans sans politique
Né en 1972 à Talfit, près de Naplouse, Akram Musallam est journaliste de formation. Il a d’abord écrit de la poésie, avant de publier Hawâjis al-Iskandar (« les obsessions d’Alexandre ») en 2003. L’Histoire du scorpion qui ruisselait de sueur, paru en 2008, a obtenu le prix du roman de la Fondation Qattan. « On demande souvent aux écrivains palestiniens pourquoi ils n’écrivent pas de romans sans politique. Le problème n’est pas la présence de l’occupation dans le roman, mais la présence de l’occupation sur le terrain. Un Palestinien qui voudrait écrire un roman réaliste sans y faire intervenir l’occupation se mentirait à lui-même et mentirait aux lecteurs. On peut écrire un roman de genre fantastique, en forme de défi, comme je l’ai fait dans Hawâjis al-Iskandar, mais, concrètement, j’y ai emprisonné les personnages dans un village : s’ils l’avaient quitté, ils n’auraient pas pu ne pas franchir un barrage militaire, ou se heurter au mur, ou se faire arrêter et finir en prison. »
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