UEMOA : une intégration en demi-teinte
La libre circulation des personnes et des biens, la compétitivité à l’exportation et les équilibres macroéconomiques restent au cœur des préoccupations de l’institution régionale, quinze ans après sa création.
Bamako, la capitale malienne, s’apprête à accueillir le 14e sommet des chefs d’État des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), le 20 février. Le contexte de l’édition 2010 de cette rencontre annuelle est notamment marqué par la sortie difficile de la récession mondiale, qui n’a pas épargné la sous-région, mais aussi par la dette intérieure exorbitante – environ 700 milliards de F CFA, soit un peu plus de 1 milliard d’euros – des pays membres. Les chefs d’État et de gouvernement devront prendre des mesures pour faire face à ces problèmes, sur la base d’un document de travail déjà adopté par le Conseil des ministres de l’UEMOA, le 5 février dernier.
Mais le point sur l’état de l’Union, qui vient de boucler ses quinze ans d’existence, n’échappera certainement pas non plus à leurs discussions. Si des progrès notables ont été réalisés depuis 1994, notamment en matière de stabilité macroéconomique et de fonctionnement des institutions de l’UEMOA, on constate indéniablement une stagnation, voire un recul, en matière de résorption de la pauvreté, de lutte contre l’inflation et de libre circulation des personnes et des biens. Experts et économistes estiment de façon unanime que les avancées sur le plan institutionnel ont été réalisées au détriment de l’amélioration des conditions de vie des populations. Au sein de l’UEMOA, dont l’un des objectifs premiers est de favoriser l’intégration économique des pays de la sous-région ayant en commun le franc CFA, subsistent encore des velléités de protectionnisme.
La guerre des huiles entre Dakar et Yamoussoukro, une affaire révélée dans nos colonnes (voir J.A. no 2555-2556), qui a conduit en septembre dernier à l’interdiction d’importer au Sénégal de l’huile de palme raffinée ivoirienne, en est la parfaite illustration. Dakar a certes provisoirement levé l’interdiction, en attendant le règlement du différend par la Cour de justice de l’Union, mais ne semble pas disposé pour autant à abandonner sa filière.
Autre épineux problème que l’UEMOA ne parvient pas à résoudre depuis sa création – il revient sur la table à l’approche de chaque sommet : la compétitivité à l’export des États membres. Largement lié à la question de l’arrimage du franc CFA à l’euro, il se pose cette année avec beaucoup plus d’acuité en raison de la crise qui frappe ces pays. Mais les avis divergent. Sanou MBaye, ancien fonctionnaire de la Banque africaine de développement et auteur de L’Afrique au secours de l’Afrique, est de ceux qui décrient cet arrimage, car, selon eux, il pénalise les économies des pays de la zone CFA. « C’est une aberration, explique le Sénégalais, que des pays considérés comme les plus pauvres du monde disposent d’une monnaie forte face au dollar. Payer ses exportations en monnaie faible et régler ses importations en monnaie forte ne peut qu’aboutir à des balances commerciales chroniquement déficitaires. »
Un débat qui s’éternise
Un point de vue que ne partage pas du tout Lionel Zinsou, président du fonds d’investissement PAI Partners et conseiller économique du président béninois, Yayi Boni. « La parité fixe entre le franc CFA et l’Euro, explique-t-il, permet à nos pays d’une part d’avoir une monnaie stable et d’autre part d’importer relativement moins cher des denrées alimentaires, des hydrocarbures ou des produits manufacturés indispensables à nos populations. Et il faut ajouter le fait que les exportations de ces pays sont majoritairement tournées vers l’Union européenne. » Selon le Franco-Béninois, les pays de l’UEMOA doivent utiliser la monnaie de leur commerce extérieur. Le débat reste entier. Et semble s’éterniser.
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