Tensions autour de la liste électorale
Les manœuvres se poursuivent pour l’élaboration du fameux fichier électoral, au risque de retarder encore le scrutin et surtout de remettre le feu aux poudres. Mardi 9 février, à l’occasion d’un procès visant à radier de présumés étrangers, plusieurs milliers de manifestants mécontents de la liste électorale ont incendié la sous-préfecture de Vavoua (ouest).
L’élan vers la présidentielle est bel et bien brisé. Le traitement des contentieux autour de la liste des électeurs est dénoncé par l’opposition, alors que la Commission électorale indépendante (CEI) est indexée par le pouvoir.
Depuis plus d’un mois, le camp Gbagbo accuse le président de la CEI, Robert Mambé Beugré, de complicité avec l’opposition. Le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro, a ouvert une enquête judiciaire sur l’affaire des 429 000 noms que Mambé Beugré aurait voulu ajouter à la liste. Convoqué par le juge, l’intéressé n’a pas voulu répondre. Le Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir) demande sa démission ainsi que celle du vice-président, Jean-Baptiste Gomis, du Rassemblement des républicains (RDR, opposition).
Le président Gbagbo a demandé à son parti d’« extirper » de la liste établie par la CEI les personnes suspectes. Le FPI a constitué plusieurs équipes – composées d’avocats, d’élus régionaux, de ministres, de cadres du parti, de chefs de village… – qui sillonnent les régions pour débusquer les « fraudeurs ».
Les listes des noms de ces personnes à la nationalité incertaine sont directement transmises aux magistrats pour radiation. Pourtant, les textes prévoient que les commissions électorales indépendantes locales soient saisies des cas litigieux en premier ressort.
Les vieux démons de l’ivoirité
« Au nom de quelle ouverture démocratique les Ivoiriens doivent-ils accepter la présence d’électeurs non ivoiriens sur le listing ? » se défend un proche du chef de l’État. Des interpellations de supposés fraudeurs sont opérées par les forces de l’ordre sur dénonciation. Des incidents, parfois violents, ont eu lieu dans plusieurs villes de province entre policiers et manifestants qui protestent contre ces méthodes. Ils dénoncent le fait que les listes du FPI contiennent essentiellement des patronymes à consonance nordiste.
Le RDR, dont le fief est dans le Nord, à majorité musulmane, estime que ses militants sont dans le viseur. « Nous sommes choqués. Ces fameuses listes rappellent le temps des nazis. Nous avons commis des avocats pour accompagner nos militants accusés injustement », explique Mamadou Sanogo, le secrétaire national chargé des élections au RDR. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le RDR ont demandé la démission du ministre de l’Intérieur.
Cette chasse aux noms à consonance étrangère pourrait réveiller les vieux démons de l’ivoirité. Les Forces nouvelles, ex-rébellion, qui contrôlent toujours le nord du pays, ont appelé au calme, mais ont aussi tenu à rappeler que la question identitaire est l’une des causes de la crise survenue le 19 septembre 2002.
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