Opposition : tous pour un

Les adversaires de Boni Yayi, rassemblés dans l’Union fait la nation (Un), se cherchent un candidat unique pour la présidentielle de 2011. La course est lancée. Elle se gagnera en avril, par consensus.

Publié le 17 février 2010 Lecture : 4 minutes.

Les états-majors politiques béninois préparent l’élection présidentielle de 2011. Le chef de l’État, Boni Yayi, multiplie les consultations en vue d’un vaste remaniement ministériel pour constituer un nouveau gouvernement, plus offensif. Du côté de l’opposition, on a décidé de faire cause commune autour d’une seule bannière, l’Union fait la nation (Un). Selon toute vraisemblance, le candidat unique devrait être désigné en avril prochain. Et il est fort probable qu’Adrien Houngbédji, bien que battu en 2006 – il avait obtenu 24,2 % des voix au premier tour –, ait une nouvelle fois l’occasion de faire valoir ses arguments.

À 67 ans, conformément à la Constitution, ce sera sa dernière chance. « Je n’ai plus d’avenir politique, mais un destin si l’Union me choisit et me soutient », explique, faussement candide, le président du Parti du renouveau démocratique (PRD), qui assure n’être ni en campagne ni candidat à la candidature. Posture du vieux sage qui attend que l’on vienne à lui ? Ou tactique bonhomme pour trancher avec l’attitude offensive de son rival le plus dangereux, Léhady Soglo ?

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À 49 ans, le fils de l’ancien président Nicéphore Soglo est bien décidé à poursuivre sur sa lancée entamée il y a quatre ans. Il avait récolté 8,5 % des suffrages sous les couleurs de la Renaissance du Bénin, le parti « familial ». « Depuis, j’ai avancé et, en tant que premier adjoint à la mairie de Cotonou, j’ai fait mes preuves », explique Léhady, dont la principale difficulté consiste à incarner le « renouveau » tout en assumant sa filiation. « Je suis l’artisan de cette Union. Certains m’ont pris de haut, mais mes idées novatrices ont fini par triompher », répond celui qui estime être le « dynamiseur » de cette alliance aux contours improbables et aux leaders dont le passé est jalonné de trahisons et de coups bas.

Les Béninois se souviennent encore de 1996 lorsque Adrien Houngbédji, après avoir été l’allié de Nicéphore Soglo, a facilité le retour au pouvoir de Mathieu Kérékou. La vengeance est un plat qui se mange froid. En 2006, c’est sur un coin de table, la veille du second tour, que Soglo règle ses comptes et signe son ralliement à Boni Yayi, l’adversaire de Houngbédji.

Un ovni politique

« Nous ne sommes plus prêts à recommencer », regrette aujourd’hui Nicéphore Soglo. « Nos divisions nous ont éloignés des responsabilités. Nous en avons pris conscience et nous sommes déterminés à en finir, nous ne voulons plus des vieux schémas », ajoute Houngbédji. La démonstration est limpide. Le discours parfaitement huilé. Mais qu’en est-il de la solidité de ces fiançailles ?

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S’il n’est pas interdit d’avoir des doutes sur la durée de vie de cet ovni politique lancé en mars 2009, cette coalition de l’opposition – qui regroupe aujourd’hui cinq formations et quelques individualités – franchit pas à pas, et avec un certain talent, les étapes – et les épreuves – devant la conduire aux portes du pouvoir. Dernière en date, la convention nationale les 30 et 31 janvier à Cotonou. La charte, les statuts et le projet politique adoptés, les débats ont porté sur une question autrement plus sensible : le mode de désignation du candidat unique. En fait, les choses avaient été calées en catimini, le 27 janvier, au domicile de Nicéphore Soglo.

Une fracture Nord-Sud

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Après plusieurs mois de tractations et d’habiles positionnements des uns et des autres, le mode consensuel, un processus moins risqué et plus prévisible, a finalement été retenu aux dépens de primaires. La Conférence des présidents (qui réunit les dirigeants des partis membres de l’Un) tranchera donc cette épineuse question en choisissant le meilleur d’entre eux. « Les primaires auraient créé des frustrations et alimenté les divisions », estime Houngbédji, certainement plus à l’aise devant ses pairs – à la connivence établie – qu’à la tribune face à des militants capricieux. Fin manœuvrier, il a gagné la première manche. « Si nous voulons gagner, nous savons quel cheval mettre devant », ose un proche. Le clan Soglo appréciera ce coup de canif. « J’étais partisan de ­primaires, mais je suis toujours en course », réplique le maire adjoint de Cotonou, persuadé qu’il est le mieux placé pour battre le président sortant.

Avec un écueil de taille : cette bipolarisation contient les germes d’une fracture entre le Nord – la région de Boni Yayi – et le Sud – d’où sont originaires tous les dirigeants de l’Un. « Ce danger est réel, et tout notre discours consiste à prouver que notre dynamique transcende d’éventuels clivages communautaires », assure Léhady Soglo. Une dynamique qui, arithmétiquement en tout cas, prend tout son sens. Le Sud représente plus de 60 % du corps électoral, et le total des voix recueillies en 2006 par l’ensemble des candidats de l’Union dépasse les 54 %. De quoi faire frémir le palais de la Marina ? « 2011 ne sera pas 2006, et les voix ne s’additionnent pas, analyse un proche du chef de l’État. S’ils restent unis jusqu’au bout, ce qui paraît peu probable, l’élection pourrait se jouer dès le premier tour mais, à ce jeu, la prime au sortant va jouer à fond. En cas de second tour, les alliances se recomposeront. »

L’inconnue Abdoulaye Bio-Tchané, l’actuel président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) – parti en campagne sans l’avouer ni publiquement ni officiellement –, entre alors dans l’équation. ­Originaire du Nord, il pourrait fragiliser les positions de Boni Yayi. Ministre de l’Économie et des Finances sous Kérékou et ex-­directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI), réputé rigoureux et à la compétence avérée, il jouit aussi d’une bonne cote dans le Sud.

Une Conférence nationale en 1990, une alternance démocratique sans heurts en 1996, une retraite en 2006 pour Mathieu Kérékou qui n’a pas osé toucher à la Constitution pour se maintenir… Décidément, le Bénin aime moderniser le logiciel politique africain. Cette union de l’opposition est la dernière proposition. Les Béninois ont toujours été très sensibles aux idées novatrices. 

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