Polémique autour du baromètre du Pnud

Pour ses 20 ans, l’indicateur de développement humain (IDH) passe difficilement à l’âge adulte. Ses paramètres, largement décriés, doivent être redéfinis.

Le mode de calcul de l’IDH est contesté dans de nombreux pays, dont le Niger © Edward Parsons

Le mode de calcul de l’IDH est contesté dans de nombreux pays, dont le Niger © Edward Parsons

Publié le 12 février 2010 Lecture : 3 minutes.

Le petit monde de la statistique est en pleine ébullition. Du 23 au 26 février, les experts du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) doivent présenter devant la Commission de statistique des Nations unies, à New York, une nouvelle version de leur « très contesté » indicateur de développement humain (IDH). Élaboré en 1990 par les économistes pakistanais Mahbub ul Haq et indien Amartya Sen, cet indice statistique composite – établi à partir du produit intérieur brut (PIB), et complété par l’espérance de vie et le niveau d’éducation – est devenu le baromètre de l’évolution des sociétés en matière de « mieux-vivre ».

Querelles partisanes

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À la fin de chaque année, l’organisation onusienne publie un rapport sur le développement humain, distribuant bons et mauvais points aux nations du monde. Au fil du temps, l’IDH est devenu l’emblème du Pnud et son principal outil de communication au niveau international. Repris par les médias, il anime les querelles partisanes entre pouvoirs en place et oppositions, pays riches et pays pauvres. Tant et si bien qu’il compte de plus en plus de détracteurs, au premier rang desquels les pays africains. « Cet outil ne permet pas de mesurer de manière globale, complète et qualitative le niveau de développement des populations, explique Ahmed Lahlimi Alami, haut-commissaire au Plan du Maroc, qui a organisé une rencontre internationale sur la question à la mi-janvier à Rabat. Il n’a pas tenu compte des nouveaux indicateurs développés depuis vingt ans, comme la participation, l’égalité hommes-femmes, les libertés publiques… Le niveau de précision et la justesse des statistiques sont, par ailleurs, très variables d’un pays à l’autre. Et le PIB influe trop sur le résultat final. Les pays producteurs de pétrole, par exemple, peuvent faire un bond en avant par la simple flambée des cours du produit… »

Un combat qui est loin d’être isolé. De passage à Paris au mois de novembre, le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, s’est étonné que les efforts fournis par son pays en matière d’éducation ne se reflètent pas dans le classement onusien. « Il faut revoir les grilles d’appréciation et élargir les critères d’analyse », a-t-il plaidé. Même son de cloche du côté de l’Afrique du Sud et du Niger. Le premier a perdu 35 places en quinze ans dans le palmarès de l’IDH et le second pointe en queue de classement. Pour Abdoulaye Beidou, directeur de l’Institut nigérien de la statistique, « c’est difficile sinon impossible à expliquer [au Niger], pays qui n’a connu ni épidémie, ni conflit majeur, ni catastrophe naturelle, et dont le taux de prévalence du sida est l’un des plus faibles au monde ».

La remise en cause de l’IDH va bien au-delà des frontières de l’Afrique puisque plusieurs experts internationaux appellent à sa révision complète, voire à sa suppression. Plusieurs arguments sont avancés : l’évolution des outils de mesure du bien-être, l’hétérogénéité des statistiques et leur fiabilité d’un pays à l’autre, l’écart enregistré entre la publication de l’IDH (calculé à partir de chiffres généralement collectés deux ans plus tôt…) et la réalité sur le terrain. D’autres avancent encore le fait que le travail informel n’est pas pris en compte, même si cela paraît difficile à réaliser.

« Nous concevons les frustrations des gouvernements, indique Sunil Saigal, directeur du bureau régional des États arabes du Pnud. L’IDH a 20 ans et il est grand temps de le changer, parce qu’il ne renseigne plus sur toutes les dimensions du développement humain. » Un engagement salutaire que l’organisation souhaite contrôler, alors que la Commission de statistique de l’ONU voudrait ­chapeauter la réflexion mondiale.

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Mesurer la consommation

En attendant, tout le landerneau de la statistique s’agite pour faire des propositions. Le sujet est porteur, puisque le rapport de la Commission Stiglitz, rendu public en septembre 2009, prône la mise en place de nouveaux indicateurs de ­performance économique et de progrès social. Il s’agit notamment de replacer les individus au centre de toute analyse, de mieux valoriser le montant des transferts en nature de l’État vers les ménages et de prendre en compte le développement durable. Ainsi, l’Insee français, en pointe sur la question, propose de davantage prendre en compte les indicateurs de revenu et de consommation des ménages au détriment du PIB. Le Maroc a également lancé des travaux sur un « indice composite de niveau de vie » et rejoindra prochainement une cellule de réflexion mise en place par l’OCDE. Le débat devrait se poursuivre tout au long de l’année et certainement au-delà. Nul doute que le prochain rapport sur le développement humain du Pnud, attendu pour le mois d’octobre, devrait encore faire couler beaucoup d’encre. 

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