Le shérif d’Abidjan

Depuis près de cinq ans, le général Bi Poin est chargé de faire régner l’ordre dans la capitale économique ivoirienne. Il est aussi l’un des éléments clés de la sécurité du régime.

Guai Bi Poin au milieu de ses hommes, pendant un exercice. © DR

Guai Bi Poin au milieu de ses hommes, pendant un exercice. © DR

Publié le 11 février 2010 Lecture : 3 minutes.

Le Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos), dirigé par le général Guiai Bi Poin n’en finit pas de s’équiper. Dernière livraison : de nouveaux bâtiments pour sa brigade de maintien de l’ordre, mis à disposition par le chef de l’État, le 21 janvier. Un cadeau qui n’est pas anodin. Le général et son unité font en effet figure de « chouchous » de la République.

Né en 1954, l’officier, originaire comme Gbagbo de l’ouest du pays, a grimpé dans la hiérarchie des Forces de défense et de sécurité de Côte d’Ivoire (FDSCI). Son nom se confond aujourd’hui avec celui du Cecos, l’unité d’élite créée en juillet 2005 par le chef de l’État pour combattre le grand banditisme et la criminalité à Abidjan. Cité en exemple et apprécié des troupes, « le Blanc » (surnom dû à son teint clair), avec ses 800 hommes – des gendarmes, des policiers et quelques militaires hyperéquipés –, est désormais perçu comme une pièce centrale dans le schéma de sécurité de l’État, à tel point que le président Gbagbo le consulte régulièrement pour les questions de défense nationale. « Il a réussi à faire du Cecos l’unité la plus organisée des forces ivoiriennes. Le président l’aurait nommé chef d’état-major des armées, s’il n’avait pas été gendarme. C’est un bon professionnel », confie un conseiller du président.

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Bi Poin a un curriculum impressionnant. Il est passé par le Centre d’études stratégiques du département d’État à Washington, l’académie nationale du FBI à Quantico et l’École supérieure de guerre de Paris, après une licence en droit public et un diplôme universitaire en criminologie, obtenus respectivement à Paris II et à Paris I, en 1978.

Il doit surtout son étoile à deux faits d’armes : la mise en déroute, le 19 septembre 2002, des rebelles qui tentaient de prendre l’école de gendarmerie d’Abidjan (dont il était, et est toujours, le commandant), et son refus d’éloigner les « patriotes », groupe de jeunes nationalistes, rassemblés le 9 novembre 2004 devant l’Hôtel Ivoire, protégé par l’armée française. Une fusillade avait alors éclaté, faisant plusieurs victimes parmi la foule. Pour l’armée française, Guiai Bi Poin a failli à sa mission de contenir les manifestants, Paris le suspectant même de complicité avec ces derniers. Mais son audace a marqué le pouvoir : il devient le symbole de la résistance antifrançaise. Colonel au moment des faits, il monte en grade.

Craint par la pègre… et par l’opposition

Sa stratégie à la tête du Cecos a été de diviser la capitale économique en cinq secteurs correspondant aux principaux quartiers et communes, pour mieux la quadriller, la verrouiller. L’unité dispose de forces spéciales prêtes à parer à toute menace éventuelle – manifestation, coup d’État… – et d’une cellule de renseignement, ses éléments bénéficiant de stages de formation en Afrique du Sud, en Israël et au Maroc. « Nous avons gagné en puissance et nous nous sommes professionnalisés. Nous avons la confiance totale des pouvoirs publics », se félicite Bi Poin. Crainte par la pègre, son unité, malgré quelques ratés dus à des membres parfois indisciplinés, est régulièrement saluée par les chancelleries et les organisations internationales pour son rôle contre l’insécurité.

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Elle est cependant critiquée pour certaines opérations, sortant de la lutte contre le banditisme… Quelques descentes nocturnes et musclées afin d’interpeller des militants du Rassemblement des républicains (RDR) taxés de « fraudeurs de nationalité » ont ainsi semé le doute sur l’impartialité de l’unité et, dans l’opposition, on craint qu’elle soit utilisée pour régler des comptes personnels. « Au vu de ses agissements, force est de constater qu’elle a choisi son camp, celui du régime, et cela donne froid dans le dos. Surtout si l’on considère sa puissance de feu », s’inquiète un responsable politique. 

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