Bras de fer à Dakar

Confronté à l’épineuse question des marchands ambulants, le nouveau maire socialiste est sur des charbons ardents.

Vendeur de rue dans la capitale sénégalaise © Nendiena

Vendeur de rue dans la capitale sénégalaise © Nendiena

cecile sow

Publié le 10 février 2010 Lecture : 2 minutes.

Khalifa Ababacar Sall s’est engagé dans une partie difficile. Alors qu’il est déterminé à poursuivre son plan de désengorgement de la capitale, le maire socialiste de Dakar risque de devoir faire face à deux frondes : celle des marchands ambulants, premiers concernés par le projet, et celle orchestrée par le pouvoir, lorgnant sur les voix de ces derniers, qui seront les bienvenues lors de l’élection présidentielle de 2012.

Les 22 et 23 novembre 2007, les Sénégalais ont découvert que les marchands ambulants et autres petits commerçants installés dans les rues de Dakar pouvaient être agressifs et faire reculer les autorités. Très remontés contre le maire libéral Pape Diop, considéré comme un fidèle du président Wade, qui prévoyait de les expulser de la ville, ils avaient bravé les forces de l’ordre envoyées pour les empêcher de manifester. Des édifices publics et des véhicules avaient été incendiés, de nombreuses personnes blessées… Et les autorités avaient fait marche arrière, puis décidé de mettre en place un véritable projet de recasement des ambulants sur plusieurs sites à Dakar et dans sa banlieue.

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Après la défaite de la coalition Sopi aux élections locales du 22 mars 2009, le dossier a atterri sur la table du nouveau maire, issu de l’opposition, Khalifa Ababacar Sall, qui a fait de sa réalisation une priorité.

Malentendu ou manœuvre ?

Le problème est que le maire se heurte à un obstacle plutôt inattendu, puisqu’il ne fait que suivre une piste tracée par son prédécesseur. Le 24 janvier dernier, alors qu’un entrepreneur, choisi par la mairie, s’apprête à clôturer le terrain de Cerf-Volant (proche du centre de Dakar) devant abriter les futures cantines destinées aux bana-bana (vendeurs de rue), la police intervient pour empêcher les travaux. Les 4 hectares jouxtent un site, un peu plus grand, supposé accueillir une mosquée mouride (confrérie islamique dont se réclame le président Wade). Et les espaces auraient été mal délimités. Si le maire de Dakar ne souhaite pas se prononcer sur cet incident, son premier adjoint soutient qu’il s’agit d’un malentendu : « Nous travaillons en bonne intelligence avec le pouvoir. Ce sera bientôt réglé », assure Cheikh Guèye.

Mais, du côté de l’opinion comme des vendeurs à la sauvette, on y voit une volonté de l’État de discréditer Sall auprès de la population. Et, par la même occasion, d’atteindre l’opposition.

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Officiellement, les ambulants et autres petits commerçants sont 8 734 à Dakar. Moulaye Seck, le président de la Synergie des marchands dits ambulants pour le développement (Symad), qui regroupe la majorité de la vingtaine d’associations de bana-bana existant au Sénégal, assure, lui, qu’ils seraient 50 000 à Dakar et dans sa banlieue. « Je peux même affirmer que nous sommes 3 millions à travers le pays, ajoute-t-il. On veut politiser le débat, mais ce qui nous intéresse c’est de savoir quand et dans quelles conditions nous serons installés. »

Quoi qu’il en soit, les faits ont montré qu’il est risqué de contrarier ces petits commerçants, et de nouvelles émeutes ne seraient profitables à personne. Mais, de toute évidence, certains proches du pouvoir ne l’ont pas compris. Début janvier, alors que Sall venait de décliner, face à la presse, son programme complet pour Dakar, un conseiller du chef de l’État, Serigne Mbacké Ndiaye, avait appelé les marchands ambulants à ne pas « reculer devant les autorités municipales ».

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