Immunité ou impunité ?

De nombreux pays ont, ces dernières années, légiféré sur le statut d’ancien chef d’État. Mais il n’existe pas de modèle parfait.

Publié le 8 février 2010 Lecture : 3 minutes.

Y a-t-il une vie après le pouvoir ?
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Y a-t-il une vie après le pouvoir ?

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Longtemps ignorée, la question du statut d’ancien chef d’État est aujourd’hui on ne peut plus d’actualité sur le continent. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : la dignité des anciens chefs et la bonne gouvernance, mais aussi – surtout – l’assurance d’une transition démocratique. En effet, nombreux sont les constitutionnalistes qui, comme Stéphane Bolle, enseignant à l’université de Montpellier, estiment qu’« il faut un statut aux anciens présidents africains pour sécuriser les démocraties émergentes et y ancrer le principe de la limitation du nombre de mandats ».

Dans les années 1980, rares étaient les pays qui possédaient une législation en la matière – le Sénégal et le Cameroun faisaient figure d’exceptions. Ces dernières années, la Guinée, le Burkina, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Niger, la République centrafricaine, le Togo, le Gabon et le Bénin, notamment, ont adopté un statut. D’autres, comme Madagascar, y réfléchissent. « Mais il n’existe pas de modèle parfait », remarque Jean Du Bois de Gaudusson, enseignant à l’université de Bordeaux et auteur de nombreux ouvrages sur les systèmes juridiques africains. Les débats portent généralement sur trois aspects : Quels privilèges accorder aux anciens chefs d’État ? Quelles restrictions imposer ? Et dans quelles institutions les « caser » ?

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Dans la plupart des cas, les anciens chefs d’État jouissent d’avantages matériels (logement, pension, voiture avec chauffeur, gardes du corps, passeport diplomatique…). Certains pays sont plus généreux que d’autres. En Côte d’Ivoire, le budget mensuel avoisine les 10 millions de F CFA. La Guinée, outre une indemnité égale aux deux tiers du salaire du président en exercice, assure notamment un secrétariat personnel et deux voitures avec chauffeur. Le Gabon finance le personnel domestique et une dizaine de gardes du corps.

Un casse-tête

Mais est-ce judicieux ? Avec ces avantages, « le futur bénéficiaire ne sera pas incité à bien gouverner puisque, en toute hypothèse, la vie publique sera pour lui une source sans fond de privilèges, au pouvoir et après le pouvoir », estime Bolle. D’autre part, ces privilèges parfois mirifiques peuvent choquer quand la majorité de la population vit péniblement. Au contraire, pensent d’autres analystes, ces largesses sont le gage du respect des échéances électorales : en préservant leur standing, les chefs d’État seraient moins tentés de s’éterniser au pouvoir.

La question de la protection judiciaire est plus sensible encore. Dans la plupart des cas, les « ex » sont assurés d’une immunité souvent plus large que dans les démocraties occidentales, ce qui doit en théorie les pousser à quitter le pouvoir même si des délits ou des crimes ont été commis sous leur règne. Une facilité, une erreur, qui nuisent à l’éthique pour certains. Un passage obligé, un pragmatisme opportun pour d’autres. La question fait débat. Les chercheurs s’interrogent toutefois sur les bornes de cette immunité qui peut s’apparenter à une impunité. Avec une limite que personne ne peut contester : le droit international.

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Trancher n’est pas simple. Une autre problématique se pose : à quels « anciens » accorder ces droits ? Uniquement à ceux qui sont arrivés au pouvoir et l’ont quitté par la voie démocratique ? Ou à tous, même aux auteurs de putschs ? En Guinée et au Togo, notamment, il n’existe aucune restriction à ce sujet. Multiplier les exceptions reviendrait, selon les analystes, à ignorer la réalité et à exclure, de fait, un certain nombre de chefs d’État. Donc à perdre l’intérêt d’adopter un statut…

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