La jeune fille et le politique


Fawzia Zouria

Publié le 1 février 2010 Lecture : 2 minutes.

Parmi les débats passionnés autour du niqab qui ont précédé la remise du rapport final par la commission chargée de plancher sur le sujet, il en est un que j’ai retenu : celui animé par Thierry Ardisson sur Canal +, le dimanche 10 janvier. L’animateur avait invité une demoiselle, une certaine Dalila, 18 ans, toute sa raison ou presque. Elle s’était attifée de son niqab, version extraterrestre, dessus caca d’oie, cornettes noires, yeux entravés. Convié à défendre sa position, Jean-François Copé, chef du groupe parlementaire UMP à l’Assemblée nationale, a un mal fou à fixer Dalila. Et il avoue : « Mademoiselle, vous voyez le mal que j’ai à vous regarder. » Nous aussi, si cela peut le consoler, lui qui n’avait que ces mots pour se plaindre. Et point d’argument béton pour attaquer. En face de cet adversaire d’un nouveau genre, dont il ne distinguait presque rien, dont il entendait à peine la voix, il flippait. Contrairement à la jeune fille, guère gênée, bien à l’abri sous sa tente, poussant le culot jusqu’à traiter d’ignorant le recteur de la Grande Mosquée de Paris et tous ceux qui ne partagent pas sa folie.

Dès lors, on s’aperçut que le problème n’est pas au niveau de l’« emburqanée », mais de celui qui se trouve en face d’elle. Le niqab n’opprime ni n’ampute celle qui a choisi de le porter. Il lèse celui qui regarde, privé d’un droit élémentaire : mettre des traits sur un visage, soupeser une expression, surprendre un sourire. Il instaure un rapport de force dont cette demoiselle va jouer à sa guise : « Je vous vois, j’analyse vos expressions et je vous dérobe les miennes. Na ! » Fallait-il donc se perdre dans ces fausses considérations de dignité de la femme, de laïcité et autres slogans d’égalité, comme l’a fait Copé, devant une personne qui le narguait de ce qu’elle croit être son droit, sa liberté et sa conviction d’être l’égale de l’homme ? Le seul argument à lui opposer était de la battre sur son terrain, ce que Copé a manqué de faire.

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Car il fallait lui rétorquer ceci, à Dalila. Savez-vous, mademoiselle, que la religion dont vous vous réclamez a dit cette chose magnifique : « Dieu est beau et Il aime la beauté », alors que vous représentez la laideur même ? Que si le voile est censé garantir l’anonymat, le vôtre attire les regards, détruisant ainsi le rôle premier de cet habit. Que vous avez tort de vous crisper sur le rituel au sein d’une foi qui a eu le génie de trouver une solution pour chaque contrainte et que vous transformez en une liste de pratiques sans âme. Que, contrairement à ce que vous affirmez, il n’y a rien dans le Coran sur les cheveux ni de précision sur le détail ou la coupe de l’habillement d’une musulmane.

Au lieu de quoi Copé n’a pas échappé au travers des politiciens consistant à tenir des positions de principe – qui servent moins la République que les enjeux électoraux – et à avoir la manie de dégainer l’arsenal des lois. Dommage pour ce louveteau de la politique pourtant brillant qui, contrairement à bien d’autres membres de son parti, sait jouer l’authenticité et ne pas ruer dans les brancards. Dommage pour Ardisson, qui aurait pu, à l’occasion, faire parler une « emburqanée » moins rebutante et, pourquoi pas, une convertie futée. Dommage pour cette jeunette, qui aurait gagné l’estime de tous, à commencer par celle d’Allah, en défendant autrement sa religion ! 

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