« La chance ne vaut rien »
Pourquoi les rues d’Afrique sont-elles peuplées d’enfants qui y habitent, y mangent et y dorment ? Pourquoi les enfants dits de la rue sont-ils livrés à eux-mêmes, contraints au vol, à la mendicité et à la prostitution pour survivre ? Pourquoi, à Luanda, à quelques mètres de l’hôtel Tropico, dont le luxe insolent symbolise le triomphalisme de l’ère pétrolière, les enfants des rues fouillent-ils dans les poubelles dans l’espoir d’y trouver quelques restes à se mettre sous la dent ? Pourquoi ce pays, devenu en 2009 premier producteur africain de brut, ne fait-il rien pour arracher les plus jeunes de ses citoyens à la misère ? Pourquoi les pétrodollars venant des 2 millions de barils produits chaque jour ne peuvent-ils servir à assurer le minimum de dignité aux plus jeunes des Angolais ? Pourquoi les shégués (« enfants des rues ») sont-ils condamnés à mourir jeunes, à se retrouver en prison ou à servir d’esclaves sexuels en RD Congo ? Pourquoi se résigner à ce refrain d’un chanteur congolais : « Shégué chance eloko pamba » (« Shégué, la chance ne vaut rien », en lingala) ?
Pourquoi cinq cent mille mineurs ont-ils été intégrés à des forces armées régulières ou rebelles en Afrique ? Pourquoi trois cent mille d’entre eux participent-ils directement aux guerres qui ensanglantent le continent ? Pourquoi sont-ils enrôlés de force, enlevés à l’école ou à leur domicile familial pour être versés dans des troupes ? Pourquoi leur sang a-t-il coulé et continue-t-il de couler dans l’indifférence totale au Liberia, en Sierra Leone, en RD Congo… ? Pourquoi restons-nous passifs devant ce qui se passe en Ouganda, où 40 000 enfants ont été enlevés et faits soldats au cours de ces vingt dernières années ? Pourquoi J’étais enfant-soldat, ce cri du cœur de Lucien Badjoko, enrôlé à 12 ans dans les forces rebelles de Laurent-Désiré Kabila, n’a-t-il pas suscité une mobilisation à la hauteur de ce fléau ?
Pourquoi n’applique-t-on pas la loi internationale qui dispose que le recrutement d’enfants de moins de 15 ans constitue un crime de guerre ? Pourquoi foule-t-on aux pieds la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant qui fixe à 15 ans l’âge minimum d’enrôlement volontaire et à 18 ans celui de la participation aux hostilités ?
Pourquoi les « talibés », ces jeunes élèves des écoles coraniques du Sénégal, sont-ils condamnés à mendier en guenilles ? Pourquoi, sous prétexte d’apprentissage du Coran, des parents expédient-ils leurs rejetons du Mali, de la Guinée, de la Mauritanie… à des marabouts ? Pourquoi ces enfants sont-ils condamnés à tendre la main pour pouvoir faire un versement quotidien à leur précepteur ? Pourquoi doivent-ils mourir quelquefois de sévices corporels, ou subir en silence des abus sexuels ?
Rien ne saurait justifier l’inaction devant de tels drames. Le continent le plus arriéré du monde a, plus que tous les autres, besoin de ses enfants pour relever les défis de l’avenir. Face à un Occident vieillissant, la jeunesse de la population africaine n’est pas un poids à supporter. C’est un atout à exploiter.
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