Radioscopie d’un remaniement
Six nouveaux ministres, quelques permutations et de nombreuses reconductions, dont celle du chef du gouvernement… Fidèle à lui-même, le président Zine el-Abidine Ben Ali a fait le choix de la continuité.
Faut-il accorder une grande signification politique au remaniement gouvernemental du 14 janvier, le premier opéré par le président Zine el-Abidine Ben Ali depuis les législatives du 25 octobre et sa réélection pour un cinquième mandat de cinq ans ? Ou ne faut-il y voir, au contraire, le président ayant été réélu et ses partisans ayant pratiquement fait le plein des sièges au Parlement, aucun grand chambardement ?
Reconduction prévisible de Mohamed Ghannouchi
Le premier fait politique avéré, c’est la reconduction de Mohamed Ghannouchi au poste très convoité de Premier ministre. Comment aurait-il pu en être autrement ? « Après tout, confie un banquier, c’est lui qui a mis en œuvre la politique ayant permis au pays de résister aux tempêtes. Le remercier maintenant reviendrait à se priver de l’un de nos meilleurs gouvernants pour affronter les défis persistants de la crise économique mondiale. » On ne change pas une équipe qui gagne. Ce qui s’est aussi traduit par le maintien à leurs postes de Rafik Belhaj Kacem (Intérieur), qui a géré les élections, Afif Chelbi (Industrie), Nouri Jouini (Développement économique) et Ridha Ben Mosbah (Commerce). Des reconductions bien accueillies par l’opinion et les milieux d’affaires.
Le passage de Kamel Morjane, 61 ans, de la Défense aux Affaires étrangères a été également apprécié, notamment par les diplomates de carrière. Sur les huit « départs », c’est celui d’Abdelwahab Abdallah qui a été le plus commenté en privé. Mais sa réintégration, le 18 janvier, au sein du cabinet présidentiel a coupé court aux supputations. Le second fait majeur de ce remaniement est qu’il renforce le caractère technocratique de ce gouvernement pléthorique qui compte encore quarante-trois membres (trois de moins que le précédent).
Technocrates
Encore moins connus que leurs collègues reconduits, sept technocrates – six ministres et un secrétaire d’État – font leur entrée au gouvernement. Pour l’anecdote, certains internautes ont cru reconnaître dans l’un des « bleus » celui qu’ils considèrent comme leur « censeur préféré ». Ils avaient en effet surnommé « Ammar » le « censeur invisible » qui affiche le message « erreur 404 » à chaque fois qu’ils essayent d’accéder à des sites jugés « subversifs ». Or le hasard a voulu que le nouveau ministre des Technologies de la communication s’appelle Ammar. « Félicitations donc à notre Ammar national et espérons que les honneurs n’auront jamais raison de son acharnement contre notre liberté d’écrire et de penser », écrit, non sans humour, un blogueur en verve. Bien sûr, il y a erreur sur la personne. Mohamed Naceur Ammar, 52 ans, n’a pas exercé dans les structures chargées de la surveillance d’internet. Avant sa promotion au poste de ministre, cet ancien de l’École des mines et de Polytechnique, en France, était directeur de Sup’Com (École supérieure des communications).
Les autres nouveaux venus ont souvent un profil assez proche. Mohamed Ridha Chalghoum, 47 ans, ministre des Finances, a été directeur général des avantages fiscaux et financiers et chef de cabinet du ministre des Finances, puis président du Conseil du marché financier. Bebia Chihi, 58 ans, ministre de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées, est elle aussi issue du ministère des Finances, où elle est passée par la direction des services de douane et par ceux des avantages fiscaux, avant de devenir PDG de la Société nationale de distribution des pétroles (SNDP, publique). Mohamed Agrebi, 48 ans, ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, a notamment été directeur des avantages fiscaux et directeur général de la promotion des PME. Naceur Gharbi, 60 ans, se retrouve ministre des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger après une longue carrière au sein de ce département, entrecoupée par des passages à la tête d’un gouvernorat ou d’entreprises publiques. Son dernier poste est celui de PDG de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), dont il a dirigé la réforme. Oussama Romdhani, 52 ans, qui assurait l’intérim du ministre de la Communication depuis octobre 2009, a été « titularisé ». Angliciste, il a été formé à l’ambassade de Tunisie à Washington, où il a occupé des fonctions dans la communication entre 1983 et 1995, et dirigeait depuis quatorze ans l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), à Tunis.
Hyperprésidentialisme
Et maintenant ? Le système politique tunisien étant hyperprésidentiel, les décisions se prennent ailleurs qu’à la primature ou dans les ministères. Officiellement, la politique générale du gouvernement est définie à Carthage. Le 18 janvier, Ben Ali l’a rappelé à deux reprises. D’abord lors de la prestation de serment des nouveaux membres du gouvernement, à qui il a donné des instructions pour qu’ils œuvrent à la concrétisation des orientations et objectifs qu’il a tracés dans son programme électoral « Ensemble, relevons les défis », indiquant que les enjeux de l’étape à venir sont, notamment, l’emploi et le renforcement de la compétitivité des entreprises. Ensuite devant le Comité central du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir), réuni pour la première fois depuis les élections, où il a réitéré son intention de « conforter davantage la démocratie, le pluralisme et le respect des droits de l’homme ».
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