Mambé Beugré dans le collimateur

Alors que la date de l’élection n’est toujours pas arrêtée, le président de la Commission électorale indépendante est devenu « l’homme à abattre » pour le camp du chef de l’État.

Publié le 2 février 2010 Lecture : 3 minutes.

Depuis quinze jours, les barons du Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir) demandent sans relâche la démission de Robert Mambé Beugré, le président de la Commission électorale indépendante (CEI).

Désiré Tagro, ministre de l’Intérieur et fidèle du chef de l’État, a même diligenté une enquête contre lui. Motif : il aurait tenté d’inscrire frauduleusement quelque 429 000 personnes sur la liste électorale. « Dieu nous a rendu service », a commenté le président Gbagbo auprès de ses troupes, qui ne manquent pas de s’engouffrer dans la brèche pour demander un rééquilibrage de la CEI, dont la présidence et la vice-présidence vont à l’opposition. « Je suis surpris qu’il se soit fourvoyé aussi bêtement, commente un cadre du FPI. C’est un homme jovial, tranquille, passant pour être un bon père de famille. » Réputé intègre, ce prédicateur protestant, fils de pasteur, né en 1952 à Abiate, près de Dabou, ne traîne aucune casserole. Bien qu’il fût membre du bureau du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, opposition), sa foi profonde avait achevé de convaincre Laurent Gbagbo de ne pas s’opposer à son élection à la tête de la CEI, en octobre 2005.

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« Nous avons fréquenté ensemble le Lycée technique d’Abidjan, se souvient l’ex-ministre Bamba Mamadou, du PDCI. C’était un camarade intelligent, sérieux, appliqué… » Les deux hommes se sont ensuite retrouvés au sein de la formation houphouétiste, où Mambé Beugré se montrait un militant actif. « Ses prises de position sont toujours réfléchies, pondérées, ajoute son ami. Il a participé, dès le début des années 1980, à de nombreuses cellules techniques de réflexion sur l’économie et les infrastructures. »

Vice-major de l’École nationale supérieure des travaux publics en 1976, Mambé Beugré a poursuivi sa formation d’ingénieur au Centre des hautes études de la construction, à Paris, avant d’intégrer, à Abidjan, le Bureau central des études techniques (BCET, public). Brillant, il est promu directeur de cabinet du ministre de la Construction, en 1981. Il suit alors tous les grands dossiers en matière d’habitat, d’environnement et d’aménagement urbain. En 1997, il quitte la fonction publique pour devenir consultant pour la Banque mondiale et divers cabinets privés puis accède, en 2002, au poste de vice-gouverneur du district d’Abidjan.

Très affable, Mambé Beugré se montre beaucoup plus réservé avec la presse. Il sait sa position inconfortable, mais prétend tout faire pour organiser des élections libres et transparentes. Habile, il a même réussi à neutraliser toute emprise sur le processus électoral de l’Institut national des statistiques (INS), dirigé par un proche de Laurent Gbagbo.

La théorie du complot ?

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Les reports successifs du scrutin ont le don d’agacer la communauté internationale, qui accuse Mambé Beugré d’être incapable de tenir les délais, même si elle le soutient du bout des lèvres. Il s’en défend, confie à ses proches que ces reports sont souvent imputables au camp présidentiel et crie au complot. Le 21 janvier, il a néanmoins publiquement admis certains dysfonctionnements dans le projet de validation de 429 000 nouvelles inscriptions issues de croisements entre les fichiers administratifs et la liste provisoire. Finalement, celles-ci n’ont pas été validées.

Plaidant sa bonne foi, il s’est excusé de la confusion engendrée mais refuse toute démission. Divers mouvements d’Ébriés (son ethnie) et de femmes, l’opposition, ainsi que les religieux ont demandé son maintien à la tête de la CEI. Quant au Premier ministre, Guillaume Soro, il lui a laissé le libre soin d’agir en son âme et conscience, mais a suggéré au chef de l’État de le garder à son poste. « Il est tellement affaibli qu’il ne peut plus être que servile », argumente un proche du chef du gouvernement. Le jugement peut paraître excessif, mais c’est ce que certains pensent à Abidjan.

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