Incendie tragique à l’Institut des belles lettres arabes de Tunis

Le père Jean Fontaine au milieu des décombres calcinés de la réserve de livres © Ons Abid pour J.A

Le père Jean Fontaine au milieu des décombres calcinés de la réserve de livres © Ons Abid pour J.A

Publié le 20 janvier 2010 Lecture : 2 minutes.

La nouvelle s’est d’abord propagée via le réseau internet Facebook, relayée par les intellectuels habitués du lieu. Le 5 janvier, un incendie s’est déclaré à 14 h 30 dans la réserve de livres de la bibliothèque de l’Institut des belles lettres arabes (Ibla), rue Jamaa-el-Haoua, à la périphérie de la médina de Tunis. Un responsable, le père Gian Battista Maffi, 55 ans, a péri dans les flammes. Tunis est prêt à imaginer des intrigues dignes du Nom de la rose, car l’enquête de police a révélé la présence de traces d’essence. Et a conclu officiellement que Maffi se serait suicidé. Mais l’on peut s’étonner d’un tel acte de la part d’un homme d’église, d’autant qu’un hommage religieux lui a été rendu à la cathédrale de Tunis.

Depuis l’indépendance, en 1956, l’Ibla est devenu le passage obligé pour les spécialistes du monde arabe. La maison d’études, créée en 1927 par les Pères blancs pour la formation des missionnaires en langue et en culture arabes, s’est très vite muée en un espace de dialogue interculturel et religieux. Dès cette période et jusqu’en 1956, elle a par ailleurs soutenu le mouvement nationaliste.

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Oeuvres majeures

Sa bibliothèque conserve 34 000 ouvrages dont toutes les œuvres majeures de la culture tunisienne et de la littérature arabe classique ainsi qu’un fonds de cartes anciennes et les collections complètes de 600 revues spécifiques. Elle recense également toute la production francophone publiée lors de la colonisation. Un capital historique et socioculturel que la revue Ibla a contribué à faire connaître à partir de 1937. « Le fonds de l’Ibla, estime Kmar Bendana, chercheuse associée à l’Institut de recherche du Maghreb contemporain à Tunis, est inestimable, car les Pères blancs l’ont constitué avec objectivité. » Ce qui n’a pas toujours été le cas de la Bibliothèque nationale, où les collections ont répondu à des impératifs plus politiques. L’Ibla assure également des cours pour les enfants défavorisés. « Au fil du temps, poursuit Kmar Bendana, l’Ibla est devenu un relais fondamental pour la connaissance de notre passé. Cet incendie est catastrophique. »

Traduction du Coran en latin

La bibliothèque devait être mise aux normes à partir de juillet 2010, et la numérisation des documents était en préparation. « Dix-sept mille ouvrages ont été détruits, précise avec émotion le père Jean Fontaine, pilier de l’institution depuis quarante-cinq ans. Mais cela est insignifiant au regard de la perte d’une vie humaine. Le fonds contemporain a subi des dégâts importants alors que l’ancien a été préservé car il n’était pas dans ce local, nos fichiers sont intacts. L’Ibla n’a pas péri, il doit juste se remettre d’un accident. »

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Un élan de solidarité s’est exprimé spontanément en Tunisie et ailleurs. Des chercheurs, comme Chérif Ferjani à Lyon ou Daniela Cagliari en Italie, s’activent pour reconstituer le fonds et d’autres pour la restauration. Les ouvrages les plus rares, notamment l’original de la première traduction du Coran en latin, un dictionnaire universel de la Bibliothèque orientale ou des écrits d’Ernest Renan, ont été épargnés. Le dernier numéro de la revue devrait être distribué d’ici peu. La reconstruction est déjà en marche.

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