Faire la bombe à Téhéran

Fouad Laroui © DR

Publié le 11 janvier 2010 Lecture : 2 minutes.

Voici une histoire VRAIE que ne renierait pas un écrivain loufoque du genre Alphonse Allais ou Tristan Bernard. Elle commence ce beau jour de décembre 2006 où l’Iran fut soumis à des sanctions internationales à cause de son programme nucléaire. Or, et c’est une chose qu’on ne sait pas toujours, ces sanctions touchent aussi l’enseignement. Ainsi, aux Pays-Bas, un étudiant de nationalité iranienne n’a plus le droit d’étudier la physique atomique à l’université. Ni la science des matériaux, d’ailleurs : fabriquer une bombinette dépend surtout de la bonne qualité des matériaux de confinement. Bref, si vous venez du pays des ayatollahs et que vous résidez à Rotterdam, on vous conseille d’étudier l’histoire de l’art ou la culture du petit pois – tout, sauf ce qui permet, de près ou de loin, de déclencher l’Apocalypse : ça, ça doit rester le monopole des États-Unis, de la Russie, du Pakistan ou d’Israël, tous pays fiables et sans reproche.

Tout cela est d’autant plus absurde que les Persans du pays des tulipes sont pour la plupart des enfants d’exilés ou des opposants au régime des mollahs. S’ils arrivaient à construire un pétard dans leur garage, c’est sur un vieux turban qu’ils le jetteraient et certainement pas sur la belle Europe qu’ils adorent, en général. Mais bon.

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Les services secrets hollandais – ça s’appelle l’AIVD – suivent tous les étudiants iraniens pour bien s’assurer qu’ils vont au cours de littérature aztèque et non à celui de la bombe atomique. Cependant, il y a un problème : que se passe-t-il quand un de ces suspects obtient la nationalité néerlandaise et renonce, ce faisant, à la nationalité iranienne ? Du coup, il perd ses polices – ha, ha – c’est-à-dire que l’AIVD et les autres services plus ou moins secrets n’ont plus le droit de le filer. Et il devient libre de s’inscrire à n’importe quel cours, y compris celui du professeur Boum : « Comment fabriquer une bombe en six mois. » On comprend que les limiers de l’AIVD ne soient pas très contents de voir leur échapper tous ces petits Persans tapis à la fac de physique.

Que faire ? Certains proposent un avenant à la loi sur la nationalité, qui stipulerait que les Néerlandais fraîchement naturalisés n’auraient pas le droit de faire des études « sensibles » et que les espions pourraient continuer à les tenir à l’œil. Il y a peu de chances que cette loi passe : elle serait contraire à la Constitution. Du coup, on envisage une mesure encore plus spectaculaire : suspendre provisoirement tous les cours de physique nucléaire, de science des matériaux, de chimie des gaz, etc., pour tout le monde, en attendant que la crise du nucléaire iranien passe. Mais que feraient alors les étudiants hollandais de souche qui voudraient faire ce genre d’études ? Eh bien, ils devraient s’expatrier. Un journaliste un peu curieux a eu l’idée de comparer les avantages coût/qualité de ces formations dans le monde. Et il est arrivé à un résultat curieux : c’est à Téhéran qu’on peut faire les meilleures études de physique au moindre coût : c’est gratuit.

Résumons : pour mettre en œuvre les sanctions contre l’Iran, les Pays-Bas enverront bientôt leurs propres étudiants s’éclater à Téhéran. Cherchez l’erreur…

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