Oyez Angélique Kidjo !
Toujours engagée, la chanteuse béninoise sort un nouvel album, intitulé Oyo. D’un éclectisme triomphant, il reflète les coups de cœur de ses jeunes années.
Le 4 décembre, Angélique Kidjo était au Cap, en Afrique du Sud, pour le tirage au sort des poules de la Coupe du monde 2010. Quelques jours plus tard, elle chantait à Copenhague, lors de la conférence sur le climat. Après un court passage chez elle, à New York, où elle vit depuis 1997, elle a fêté Noël au Bénin, avant de terminer l’année 2009 à Paris. La chanteuse ne vide jamais ses valises complètement. Incapable de tenir en place, elle semble perpétuellement en mouvement. « Ma grand-mère disait : “Tu auras tout le temps de te reposer quand tu seras six pieds sous terre !” », lance-t-elle dans un éclat de rire avant d’enchaîner les sujets de conversation. Elle n’en manque jamais. Tout intéresse et interpelle cette intarissable bavarde. Elle sort un nouvel album ? Une aubaine pour insister encore, auprès de ceux qu’elle rencontre à cette occasion, sur sa foi dans la lutte contre les injustices, sur ses engagements, sur sa résistance à tout ce qui ne tourne pas rond dans ce monde et dans la tête des hommes.
Voix conquérante et ardente
Avec son nouveau disque, Oyo, la Franco-Béninoise, lauréate d’un Grammy Award pour l’album précédent, Djin Djin (2007), continue d’afficher de sa voix conquérante et ardente, avec une obstination têtue, son penchant pour un afro-funk tonique. Avec une certaine idée de l’éclectisme musical qui n’ignore pas les rythmes de ses racines.
Kidjo rend ainsi hommage à la musique qui l’a bercée dans son enfance et aux musiciens et chanteurs qui lui ont donné du punch pendant son adolescence. Elle reprend « Atcha Houn », un titre traditionnel qui a aussi été sa première chanson interprétée en public, à l’âge de 6 ans. Elle s’empare de « Move on Up », de Curtis Mayfield, chante en yoruba « Samba Pa Ti », de Santana, et adresse une pensée émue à son père, décédé en 2008, en reprenant « Petite Fleur », ce titre de Sidney Bechet qu’il appréciait tant.
Sous le charme
Angélique Kidjo ignore les courants. Elle se contrefiche des esprits encombrés par la vaseuse question : est-ce encore de la musique africaine ? Elle mélange tout ce qu’elle aime, un point c’est tout ! Oyo s’ouvre sur « Zelie », un titre de la Togolaise Bella Bellow, décédée à 27 ans dans un accident de la circulation. « C’est la première vedette africaine que j’ai admirée, se souvient Angélique Kidjo. Elle a été déterminante pour moi. À la maison, je l’écoutais tout le temps. Un soir, elle est venue chanter dans un night-club qui appartenait à un ami de mon père. » À force de supplications, la jeune fille a obtenu qu’on l’emmène écouter son idole derrière la scène, « clandestinement, en passant par la loge ». Elle l’a vue de loin ; elle est tombée sous le charme. « Je suis rentrée cette nuit-là si excitée que je n’en ai pas dormi. Elle avait une grâce et une beauté… incroyables ! »
S’il est très court (à peine deux minutes), le titre de Bella Bellow qu’elle interprète revêt une force essentielle pour Angélique Kidjo. Il conte les menaces faites au jeune époux par la famille de la mariée, au cas où celui-ci viendrait à la maltraiter. « C’est une dénonciation claire des violences domestiques », commente la chanteuse. « Cette chanson est importante pour l’humanité entière. Elle interpelle les hommes. Tous ensemble, nous devons faire cesser les violences faites aux femmes. » Ce combat est pour elle d’une impérieuse nécessité, comme tous ceux dans lesquels elle s’engage avec ténacité, depuis des années. La première fois, c’était en 1996. Sa voix accompagnait les images d’un court-métrage dénonçant l’excision (Bintou in Paris, réalisé par Julia Pimsleur et Kirsten Johnson). « Il faut toujours rêver et se battre. Les deux sont liés », déclare-t-elle, se souvenant de ce père qui lui disait : « Il faut rêver grand et se donner les moyens de rêver. »
Infatigable globe-trotteuse
« Ambassadrice de bonne volonté » de l’Unicef depuis 2002, Kidjo s’est récemment engagée dans une campagne de vaccination contre le tétanos en Afrique et continue de suivre activement le fonctionnement, sur le terrain, des projets financés par la fondation Batonga, qui aide à la scolarisation des filles et dont elle est à l’initiative. « Les caisses sont alimentées par des dons, mais c’est de plus en plus compliqué de trouver de l’argent pour ces quatre cents filles que nous scolarisons au Bénin, au Mali, en Sierra Leone, au Cameroun et en Éthiopie, explique la chanteuse. Je fais sans arrêt des campagnes pour lever des fonds supplémentaires et, avec mon comptable, nous surveillons toujours étroitement l’utilisation de l’argent en nous appuyant sur des parrains et marraines de confiance dans les pays où nous intervenons. »
En 2010, Angélique Kidjo, infatigable globe-trotteuse, continuera d’arpenter le monde. Son agenda est déjà bien rempli. Le 24 février, elle chantera à Vancouver lors des Jeux olympiques et, en juin, en Afrique du Sud pour la Coupe du monde de football. Entre-temps, elle aura accompli une tournée en Europe et en Amérique. On la verra également reprendre l’hommage à Miriam Makeba – une autre référence incontournable – créé en 2009 au Cirque d’hiver, à Paris. En novembre, elle présentera au Carnegie Hall, à New York, une création, The Sound of the Drums, avec la participation de nombreux invités (Omara Portuondo, Dianne Reeves, Youssou N’Dour…), qui « célébrera la beauté et la diversité des racines africaines dans les musiques de la diaspora ». Si elle était encore de ce monde, sa grand-mère serait contente. La « petite » suit ses conseils à la lettre. Action !
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