Indonésie : le tombeur de Suharto quitte la scène

Abdurrahman Wahid est décédé le 30 décembre à Djakarta. Les funérailles de l’ancien président indonésien ont eu lieu le 31 décembre à Jombang, dans l’île de Java.

Abdurrahman Wahid est décédé le 30 décembre © Reuters

Abdurrahman Wahid est décédé le 30 décembre © Reuters

Renaud de Rochebrune

Publié le 19 janvier 2010 Lecture : 2 minutes.

La disparition d’Abdurrahman Wahid, qui vient de mourir à Djakarta (ses funérailles ont eu lieu le 31 décembre à Jombang, dans l’île de Java, berceau de sa famille), est passée presque inaperçue. À tort, puisqu’il fut l’un des principaux artisans du retour de l’Indonésie dans le camp des démocraties.

Né en 1940 dans une grande famille musulmane très active dans le combat anticolonial, il commence sa carrière au sein de la Nahdlatul Ulama, une association islamique (quarante millions de membres) fondée par son père. Intellectuel engagé (il est le traducteur de Sartre), il s’affirme parallèlement comme l’un des principaux opposants à la dictature du général Suharto (1966-1998). Profitant de la relative impunité que lui garantit sa fonction, il ne ménage pas ses critiques au vieil autocrate et à sa famille, qui, ayant mis le pays en coupe réglée, n’hésitent pas à recourir à la force pour réprimer toute contestation.

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Election surprise

Après la démission de Suharto, le pouvoir échappe à ses héritiers. Pour la première fois, des élections libres ont lieu. À la surprise générale, Wahid est élu à la tête de l’État par le Parlement. En 2001, il doit abandonner son poste au profit de la vice-présidente, la fille de Sukarno (le père de l’indépendance), qu’il avait battue deux ans auparavant. Une procédure de destitution est en effet engagée par ce même Parlement en raison de soupçons, jamais prouvés, de corruption visant des membres de son entourage. Il quitte dignement le palais présidentiel et, une fois son honneur rétabli, continue le combat politique et songe même à se présenter à l’élection présidentielle, désormais au suffrage universel, l’an dernier.

Il laisse avant tout la trace d’un dignitaire musulman tolérant. Au pouvoir ou dans l’opposition, il a toujours été un homme de dialogue, même quand il lui a fallu combattre les armes à la main des extrémistes religieux dans les îles Moluques ou des séparatistes dans la province d’Aceh. « Ceux qui me jugent pas assez musulman devraient lire le Coran », répondait-il à ceux, militaires en tête, qui le trouvaient trop conciliant. Et il continuait son chemin sans craindre de choquer. Il fut ainsi l’un des très rares dirigeants musulmans à défendre le droit à l’expression de Salman Rushdie après la publication de ses Versets sataniques. 

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